V. 14
« Que les impies ne jouissent d'aucun bien ! que les jours de leur vie ne croissent pas comme l'ombre ! que cela arrive à ceux qui ne craignent point la présence du Seigneur! » Ce sont des imprécations que l'auteur de ce livre fait contre ceux qui n'ont pas la crainte du Seigneur. Il souhaite qu'ils soient bientôt punis, qu'ils soient enlevés par une mort précipitée, et qu'ils tombent dans les tourments qu'ils ont mérités. L'apôtre saint Paul parle de la même manière lorsqu'il dit : « Plût à Dieu que ceux qui vous troublent fussent retranchés de votre corps! », et ailleurs : « Alexandre, l'ouvrier en cuivre, m'a fait beaucoup de maux : que le Seigneur lui rende selon ses rouvres! »Il faut tâcher de trouver un tour favorable pour expliquer ces imprécations, qui paraissent d'abord contraires à la douceur de l'Évangile. C'est ce que nous avions à dire du vrai sens du texte hébreu.
Mais si quelqu'un aime mieux suivre la version des Septante, qui commence ainsi par un autre sens : « Pour moi, je sais avec certitude que ceux qui craignent Dieu et qui respectent sa présence seront enfin heureux; les impies , au contraire , ne peuvent s'attendre à ;jouir d'aucun bien , ni de prolonger les jours de leur vie à l'ombre de la paix, parce qu'ils n'ont point eu de crainte ni de respect pour la présence de Dieu, » il pourra parler de la sorte
Ce que j'ai déjà dit ci-dessus ne peut manquer d'arriver ; mais je connais manifestement que ceux qui craignent devant le Seigneur posséderont toutes sortes de biens ; « car le visage du Seigneur est appliqué sur ceux qui font le mal; » et l'impie ne doit espérer aucun bien, lui qui ne craint point le Seigneur. Ses jours ne seront pas de longue durée : ils passeront comme l'ombre , bien qu'il semble , à compter ses jours, qu'il a vécu très longtemps sur la terre ; car la longueur des jours ne se prend pas de leur étendue , mais de la grandeur des bonnes couvres qu'on y fait. Sed qui grandes eos faciunt bonorum operunt magnitudine.
V.15. « On voit encore une autre vanité sur la terre : il y a des justes à qui les malheurs arrivent comme s'ils avaient l'ait les actions des méchants, et il y a des impies qui vivent heureux comme s'ils avaient l'ait les couvres des justes; mais cela est une grande vanité. » Entre plusieurs misères et plusieurs vanités que divers événements font naître dans le monde, j'ai encore remarqué celle-ci : on voit souvent qu'il arrive des malheurs aux justes, qui ne devraient arriver qu'aux méchants, et on voit au contraire des impies à qui toutes choses succèdent à souhait, comme s'ils étaient les plus justes de tous les hommes. L'Évangile nous en propose un exemple dans la personne du riche vêtu de pourpre et dans celle du pauvre Lazare. Il est aussi traité de cette matière dans le psaume soixante-douzième, où le prophète raisonne sur les maux que souffrent quelquefois les justes et sur les prospérités passagères des impies.
Au lieu de dire comme nous avons fait: « On voit encore une autre vanité sur la terre, » Symmaque a traduit en général : «Il est fort difficile de pénétrer ce qui se passe sur la terre. » Les Hébreux, comme nous avons dit auparavant, entendent ceci des enfants d'Aaron et du roi Manassé, parce que les premiers moururent en offrant de l'encens, et que Manassé remonta sur son trône après avoir commis beaucoup d'impiétés.
