V. 16
« C'est ce qui m'a porté à louer la joie et le repos. J'ai cru que le bien que l'on pouvait avoir sous le soleil était de manger, de boire et de se réjouir, et que l'homme n'emportait que cela avec lui de tout le travail qu'il avait enduré en sa vie, pendant les jours que Dieu lui a donnés sous le soleil.. Quoique nous ayons déjà expliqué ceci fort au long dans les chapitres précédents, nous ne laisserons pas d'en dire encore quelque chose. L'Ecclésiaste donc préfère ici le plaisir court de manger et de boire aux chagrins et aux peines de cette vie et à toutes les injustices qui se commettent dans le monde, parce que l'homme ne retire ici-bas d'autre fruit de son travail que la jouissance de ces petites consolations et de ces légers soulagements. Mais en suivant cette explication à la lettre, nous serons obligés de regarder comme misérables tous ceux qui jeûnent, qui souffrent la faim et la soif, et ceux qui pleurent, encore que Jésus-Christ les ait déclarés bienheureux dans l'Évangile. Prenons donc dans un sens spirituel le manger et le boire dont il est parlé dans cet endroit, et surtout la joie, qu'à peine nous pourrions trouver au milieu des travaux de cette vie. Le verset suivant prouve évidemment que nous prenons ces paroles dans leur vrai sens, puisque le même auteur dit: « J'ai appliqué mon esprit à considérer la sagesse et les occupations; » ce qu'il dit de ceux qui s'occupent jour et nuit à la méditation des Écritures, et qui le font avec tant d'application qu'ils en perdent le sommeil et l'envie de dormir.
V. 17, etc. « J'ai appliqué mon coeur pour connaître la sagesse; et pour remarquer les diverses occupations des hommes sur la terre. Tel se trouve parmi eux qui ne dort et ne repose ni jour ni nuit. Et j'ai reconnu que l'homme ne peut trouver aucune raison de toutes les couvres de Dieu qui se font sous le soleil, et que plus il s'efforcera de la découvrir, moins il la trouvera. Quand le sage même dirait qu'il a cette connaissance, il ne la pourra trouver. » Celui qui s'applique à la recherche de ce qui se passe dans le monde, qui veut savoir la cause et la raison de chaque chose, et qui demande pourquoi cela ou pourquoi ceci est arrivé; pourquoi l'on voit tant de différents événements dans le gouvernement du monde; pourquoi l'un est venu au monde aveugle et infirme, et qu'un autre y est venu avec de bons yeux et plein de santé; pourquoi celui-ci est pauvre et son voisin riche , pourquoi l'un noble et l'autre roturier; celui, dis-je, qui entre dans cet examen ne retire d'autre profit de toutes ces questions et de toutes ces recherches qu'un vrai rompement de tête et un tourment fort inutile, puisque après s'être accablé de questions et après avoir donné la torture à son esprit, il ne pourra découvrir ce qu'il cherchait. Et quand même il se flatterait d'avoir acquis ces connaissances et qu'il se les attribuerait, il nous prouverait par là qu'il est dans l'ignorance des commençants, enseveli dans les plus profondes ténèbres de l'erreur. Remarquez néanmoins que cette ignorance des hommes n'empêche pas que l'Ecclésiaste ne nous fasse entrevoir qu'il y a une justice qui gouverne tout, et que rien ne se fait dans le monde que pour de bonnes raisons et des causes légitimes; mais il n'est point d'homme sur la terre qui soit capable de comprendre les desseins et les raisons de la providence du Créateur, parce que ses voies sont très secrètes et très cachées.
