V. 1
« J'ai dit. en moi-même : Allons, je vais prendre toutes sortes de plaisirs et de délices , je vais jouir de toutes sortes de biens ; et j'ai reconnu que tout cela nième n'était que vanité. » Quand j'ai vu, dit l'Ecclésiaste, que tout ce que j'avais pu faire pour acquérir une grande sagesse, et toutes sortes de sciences n'aboutissait qu'à de vains efforts, et qu'il ne m'en revenait que du travail et de la peine , j'ai aussitôt changé d'objet, et je me suis jeté du côté du plaisir et de la mollesse , afin de vivre désormais dans le luxe, de ne penser qu’à devenir riche et qu'à goûter, avant de mourir, tout ce que la volupté et les plaisirs passagers ont de plus séduisant. liais j'ai moi-même reconnu en cela, comme en tout le reste, l'excès de ma vanité et de ma misère , puisque des plaisirs passés n'ajoutent rien aux présents, et que la volupté croit toujours sans pouvoir être satisfaite. Au reste ce ne sont pas les seuls plaisirs des sens qui peuvent tenter et l'aire tomber tous ceux qui s'y attachent : les joies même spirituelles sont sujettes à la tentation , et il est nécessaire d'être averti de sa propre fragilité par quelque aiguillon, et d'être souffleté par l'ange de Satan, de peur qu'on ne tombe dans quelque vaine complaisance. C'est pourquoi Salomon disait dans les Proverbes : « Ne me donnez ni la pauvreté ni les richesses; , et il ajoute d'abord « De peur qu'étant rassasié, je ne devienne menteur et que je ne dise : Qui est témoin de ce que je fais? » Aussi le démon n'est tombé que parce qu'il s'est vu dans une grande abondance de biens : Siquidem et diabolus per bonorum abundantiam concidit. Nous lisons encore dans la première épître de saint Paul à Timothée « De peur que s'élevant d'orgueil, il ne tombe dans la même condamnation que le démon , » c'est-à-dire : dans la condamnation où le démon est tombé lui-même le premier. Disons enfin que les joies même spirituelles sont appelées en cet endroit du nom de vanité, à cause qu'elles sont accompagnées de beaucoup de défauts et d'obscurités. Mais lorsque nous verrons à découvert la sagesse, la joie que nous en ressentirons ne sera plus une vanité, une vaine joie; ce sera pour lors la joie des joies et la pure vérité.
