3.
[13] Si donc on observe à distance la fin que se propose la sagesse du gouverneur de l'univers, on ne peut plus, en bonne logique, désigner mesquinement le créateur de l'humanité comme responsable des maux, en disant qu'où bien il ignore l'avenir, ou bien le connaissant et l'ayant créé, il n'est pas étranger à l'élan qui porte vers le mal. En effet, il savait l'avenir et il n'a pas empêché le mouvement qui le préparait.
Que le genre humain dût se détourner du bien, c'est ce que n'ignorait pas le maître souverain dont la puissance embrasse toutes choses, et qui voit les temps à venir aussi bien que le passé. [14] Mais de même qu'il assistait en esprit à l'égarement du genre humain, il l'a vu en pensée ramené vers le bien. Qu'y avait-il donc de meilleur? ne point appeler du tout notre nature à la vie, puisqu'il prévoyait que la créature à venir s'écarterait du bien, ou après l'avoir fait naître, la rappeler une fois malade, par la voix du repentir, à sa grâce primitive ?
[15] Se fonder sur les souffrances du corps qui viennent nécessairement se greffer sur le caractère inconsistant de notre nature, pour nommer Dieu l'auteur des maux, ou lui refuser absolument le titre de créateur de l'homme, afin de ne pas lui imputer la responsabilité de nos souffrances, dénote la dernière mesquinerie d'esprit chez ceux qui distinguent à l'aide de la sensation le bien et le mal. Ils ne savent pas que cela seul est naturellement bon qui n'a pas de contact avec la sensation, et qu'une seule chose est mauvaise : l'éloignement du véritable bien.
[16] Juger d'après la peine et le plaisir le bien et l'absence du bien, est le propre de la nature dépourvue de raison, chez les êtres en qui-la conception du véritable bien ne peut trouver place, parce qu'ils n'ont point part à la pensée ni à l'intelligence. Mais l'homme est l'ouvrage de Dieu; comme tel, il est bon, et destiné aux plus grands biens; c'est ce qui résulte clairement, outre ce qui a été dit, d'une infinité d'autres raisons que leur grand nombre nous oblige à passer sous silence pour ne pas tomber dans l'excès.
