XI.
Peu contents de diviniser des hommes que l'on a vus autrefois, que l'on a entendus, que l'on a touchés, dont l'image a été retracée, dont les actions sont connues, dont la mémoire vit encore, voilà que vous évoquez je ne sais quels fantômes incorporels, impalpables, êtres qui pour toute réalité ont un nom, et auxquels vous assignez, comme à autant de dieux, le soin de nous protéger pendant la vie, depuis le moment de notre conception. De là un dieu Consévius, qui préside aux relations du mariage; une Fluvionia, qui introduit le germe dans l'utérus;. . . . . un Vitumnus et un Sentinus, qui donnent la vie et le sentiment à l'enfant, puis un Diespiter qui le conduit à la lumière du jour. . . . . . Mais il a pour auxiliaire une Candéliféra, parce que les accouchements ont lieu à la lumière d'une chandelle. . . . . . Si l'enfant se présente de travers, on invoque la déesse Prorsa, qui doit le pousser en avant. Farmus lui apprend à parler; d'autres dieux vont le recevoir. Albana préside au lait qui le nourrira; Runcinia le préserve du becquet. On ne dira pas du moins que l'on n'a pas pourvu à tous ses besoins. . . . . . Potina et Edula se chargent de ses premiers aliments et de sa première boisson. Quand il commence à marcher, Statina fortifie ses pas, jusqu'à ce que Abéona le conduise, et que Domiduca le ramène à la maison. Edéa garnit de dents sa mâchoire. Ce n'est pas tout; Volumnus et Voléta gouvernent sa volonté. . . . . ; Paventina lui inspire la peur, Vénilia l'espérance, Volupia la volupté; Praestitia lui donne la supériorité sur ses rivaux. Ses actions sont la garde de Péragénor; Consus guide ses pensées. Adolescent, Juventa lui donne la toge; homme fait, la Fortune barbue le prend sous sa tutelle. Parlerai-je du moment de son mariage? Afférenda préside à sa dot. Puis viennent un Mutunus, un Tutunus, une Pertunda, un Subigus, une Préma… Dieux impudents, épargnez-moi le reste. On laisse enfin les époux se débattre; on s'en va, faisant pour eux des souhaits dont ils devraient rougir.
