CHAPITRE VIII.
DES ROIS SOUS LESQUELS NAQUIT MOÏSE, ET DES DIEUX DONT LE CULTE COMMENÇA A S’INTRODUIRE EN CE MÊME TEMPS.
Ainsi, au temps de Saphrus1, quatorzième roi des Assyriens, et d’Orthopolis, le douzième des Sicyoniens, lorsque les Argiens comptaient Criasus pour leur cinquième roi, naquit en Egypte2 ce Moïse qui délivra le peuple de Dieu de la captivité sous laquelle il gémissait et où Dieu le laissait languir pour lui faire désirer l’assistance de son Créateur. Quelques-uns croient que Prométhée vivait alors; et comme il faisait profession de sagesse, on dit qu’il avait formé des hommes avec de l’argile. On ne sait pas néanmoins quels étaient les sages de son temps. Son frère Atlas fut, dit-on, un grand astrologue; ce qui adonné lieu de dire qu’il portait le ciel sur ses épaules, quoiqu’il existe une haute montagne du nom d’Atlas, d’où ce conte a bien pu tirer son origine. En ce temps-là beaucoup de fables commencèrent à avoir cours dans la Grèce; et sous le règne de Cécrops, roi des Athéniens, la superstition des Grecs mit plusieurs morts au rang des dieux: Mélantomice, femme de Criasus, et Phorbas, leur fils, sixième roi des Argiens, furent de ce nombre, aussi bien que Jasus et Sthénélas, Sthénéléus ou Sthénélus (car les historiens ne s’accordent pas sur son nom), l’un fils de Triopas, septième roi, et l’autre de Jasus, neuvième roi des Argiens. Alors vivait Mercure, petit-fils d’Atlas par Maïa, suivant le témoignage de presque tous les historiens. Il apprit aux hommes beaucoup d’arts utiles à la vie, ce qui fut cause qu’ils en firent un Dieu après sa mort. Vers le même temps, mais après lui, vint Hercule, que quelques-uns néanmoins mettent auparavant, en quoi je pense qu’ils se trompent. Mais quoi qu’il en soit de l’époque de ces deux personnages , les plus graves historiens tombent d’accord que tous deux furent des hommes qui reçurent les honneurs divins pour avoir trouvé quantité de choses propres au soulage. ment de la condition humaine. Pour Minerve, elle est bien plus ancienne qu’eux, puisqu’on la vit, dit-on, jeune fille du temps d’Ogygès auprès du lac Triton, d’où elle fut surnommée Tritonienne. On lui doit beaucoup d’inventions rares et utiles, et l’on inclina d’autant plus à la croire une déesse que son origine n’était pas connue. Car ce que l’on raconte, qu’elle sortit de la tête de Jupiter, est plutôt une fiction de poète qu’une vérité historique. Toutefois, les historiens ne sont pas d’accord sur l’époque où vivait Ogygès, qui a donné son nom à un grand déluge, non pas à celui qui submergea tout le genre humain, à l’exception du petit nombre sauvé dans l’arche, car l’histoire grecque ni l’histoire latine n’ont point connu celui-là3, mais à un autre, plus grand que celui de Deucalion4 . Varron n’a rien trouvé de plus ancien dans l’histoire que le déluge d’Ogygès, et c’est à ce temps qu’il commence son livre des Antiquités romaines. Mais nos chronologistes, Eusèbe, et Jérôme après lui, qui sans doute ici s’appuient sur le témoignage d’historiens antérieurs, reculent le déluge d’Ogygès de plus de trois cents ans, jusque sous Phoronée, second roi des Argiens. Quoi qu’il en soit, Minerve était déjà adorée comme une déesse du temps de Cécrops, roi des Athéniens, sous le règne duquel Athènes fut fondée ou rebâtie.
Les manuscrits et les éditions donnent Saphrus; c’est probablement une erreur. Julius Africanus, Eusèbe et le Syncelle s’accordent à donner Sphaerus, Sphairos. ↩
Exod. 2. ↩
Platon dans le Timée (trad. Franç., tom. XII, page 109,) fait dire à Solon par un prêtre égyptien qu’il y a eu, non pas un déluge, mais plusieurs. ↩
Eusèbe (Chron., p. 273, Proep. Evang., lib. X, Cap. 10, p. 488 et seq.) et Orose (Hist., lib. I, cap. 7) placent entre le déluge d’Ogygès et celui de Deucalion un intervalle de deux siècles. ↩
