CHAPITRE XXXIX.
LA LANGUE HÉBRAÏQUE A TOUJOURS EU DES CARACTÈRES.
Il ne faut donc pas s’imaginer, comme font quelques-uns, que la langue hébraïque seule ait été conservée par Héber, qui a donné son nom aux Hébreux, et qu’elle soit passée de lui à Abraham, tandis que les caractères-hébreux n’auraient commencé qu’à la loi qui fut donnée à Moïse. Il est bien plus croyable que cette langue a été conservée avec ses caractères dès les époques primitives. En effet, nous voyons Moïse établir certains hommes pour enseigner les lettres, avant que la loi n’eût été dénuée, et l’Ecriture les appelle1 des introducteurs aux lettres, parce qu’ils les introduisaient dans l’esprit de leurs disciples, ou plutôt, parce qu’ils introduisaient leurs disciples jusqu’à elles. Aucune nation n’a donc droit de se vanter de sa science, comme étant plus ancienne que nos patriarches et nos prophètes, puisque l’Egypte même, qui a cou-turne de se glorifier de l’antiquité de ses lumières, ne peut prétendre à cet avantage. Personne n’oserait dire que les Egyptiens aient été bien savants avant l’invention des caractères, c’est-à-dire avant Isis. D’ailleurs, cette science dont on a fait tant de bruit et qu’ils appelaient sagesse, qu’était-elle autre chose que l’astronomie, et peut-être quelques autres sciences analogues, plus propres à exercer l’esprit qu’à rendre l’homme véritablement sage? Et quant à la philosophie, qui se vante d’apprendre aux hommes le moyen de devenir heureux, elle n’a fleuri en ce pays que vers le temps de Mercure Trismégiste2, longtemps, il est vrai, avant les sages au les philosophes de la Grèce, mais toutefois après Abraham, Isaac, Jacob, Joseph, et même après Moïse; car Atlas, ce grand astrologue, frère de Prométhée et aïeul maternel du grand Mercure, de qui Mercure Trismégiste fut petit-fils, vivait encore lorsque Moïse naquit3.
En grec : grammatoeisagogeis, en latin : litterarum inductores vel introductores. ↩
Sur Mercure Trismégiste, voyez plus haut, livre VIII, ch. 23, pages 115, 116 et les notes. ↩
Eusèbe fait vivre ce douteux personnage l’an 1638 avant Jésus-Christ, c’est-à-dire vingt-neuf ans avant la naissance de Moïse. ↩
