CHAPITRE XLVII.
SI, AVANT L’INCARNATION DE JÉSUS-CHRIST D’AUTRES QUE LES JUIFS ONT APPARTENU A LA JÉRUSALEM CÉLESTE.
Si d’autres que des Juifs ont prophétisé le Messie, c’est pour nous un surcroît de preuves; mais nous n’avons pas besoin de leur témoignage. En effet, nous ne l’alléguons que pour montrer qu’il y a eu probablement parmi les autres peuples des hommes à qui ce mystère a été révélé, et qui ont été poussés à le prédire, soit qu’ils aient participé à la même grâce que les prophètes hébreux, soit qu’ils aient été instruits par les démons, que nous savons avoir confessé Jésus-Christ présent, tandis que les Juifs ne le connaissaient pas. Aussi je ne crois pas que les Juifs mêmes osent soutenir que nul, hors de leur race, n’a servi le vrai Dieu depuis l’élection de Jacob et la réprobation d’Esaü. A la vérité, il n’y a point eu d’autre peuple que le peuple israélite qui ait été proprement appelé le peuple de Dieu; mais ils ne peuvent nier qu’il n’y ait eu parmi les autres nations quelques hommes dignes d’être appelés de véritables Israélites, en tant que citoyens de la céleste patrie. S’ils le nient, il est aisé de les convaincre par l’exemple de Job, cet homme saint et admirable, qui n’était ni juif ni prophète, mais un étranger originaire d’Idumée, à qui l’Ecriture néanmoins accorde ce glorieux témoignage que nul homme de son temps ne lui était comparable pour la piété1. Bien que l’histoire ne dise pas en quel temps il vivait, nous conjecturons par son livre placé par les Juifs entre les canoniques, à cause de son excellence, qu’il est venu au monde environ trois générations après le patriarche Jacob. Or, je ne doute point que ce ne soit un effet de la providence de Dieu de nous avoir appris par l’exemple de Job qu’il a pu y avoir parmi les autres peuples des membres de la Jérusalem spirituelle. Mais il faut croire que cette grâce n’a été faite qu’à ceux à qui l’unique médiateur entre Dieu et les hommes, Jésus-Christ homme, a été révélé, et que son incarnation leur était prédite avant qu’elle arrivât, comme elle nous a été annoncée depuis qu’elle est arrivée, en sorte qu’une seule et même foi conduise par lui à Dieu tous ceux qui sont prédestinés pour être sa cité, sa maison et son temple. Quant aux autres prophéties de Jésus-Christ qu’on produit d’ailleurs, on peut penser que les chrétiens les ont inventées. C’est pourquoi il n’est rien de plus fort contre tous ceux qui voudraient révoquer en doute notre foi, ni de plus propre pour nous y affermir, si nous prenons les choses comme il faut, que les prophéties de Jésus-Christ tirées des livres des Juifs, qui, ayant été arrachés de leur pays et dispersés dans tout le monde pour servir de témoignage à la foi de l’Eglise, ont contribué à la faire partout fleurir.
Job, I; Ezéch. XIV, 20. ↩
