2.
Je ne veux pas même laisser à nos adversaires la satisfaction de croire que le Nouveau Testament seul nous offre des leçons du mépris des choses humaines. Qu'ils entendent le Prophète foulant aux pieds cette félicité de la terre et ne cherchant d'appui que dans le Dieu tout-puissant : « Délivrez-moi, dit-il, du glaive meurtrier, et retirez-moi de la main d'une race étrangère, dont la bouche n'a prononcé que des faussetés, et dont la main ne sert qu'à l'iniquité. Leurs fils sont comme de nouvelles plantes dans la première vigueur de leur jeunesse. Leurs filles sont d'une belle figure et parées avec autant d'art que nos temples. Leurs greniers sont remplis, ils se déchargent l'un dans l'autre. Leurs brebis sont fécondes, on les voit sortir en foule de leurs étables; leurs vaches sont chargées de graisse. Dans les places de leurs villes, il n'y a ni maisons en ruine, ni danger d'irruption, ni cris de sédition. Et ils ont dit :
« Heureux le peuple qui jouit de ces avantages; (et moi je dis) heureux le peuple qui n'a que Dieu pour maître1 ». Si donc cette félicité purement humaine sourit aux hommes impies, qu'ils n'oublient pas non plus que le véritable bonheur, le bonheur durable, est celui qui s'appuie sur Dieu seul. Bienheureux, disent-ils, le peuple qui possède tous ces avantages; aux yeux du prophète, il n'y a d'heureux que le peuple qui a Dieu seul pour maître. Mais à ce passage de l'Ancien Testament, voici que les Manichéens opposent ces paroles du Sauveur : « Quiconque rougira de moi ou de mes paroles dans cette nation adultère et pécheresse, le Fils de l'homme rougira aussi de lui quand il viendra avec toute la gloire de son Père et entouré des louanges des saints2 ». Or, je ne vois pas comment il peut être question ici du mépris des choses temporelles. Serait-ce en ce sens que frappé de la caducité des biens de la terre, on ne voudrait pas, pour les acquérir, se mettre dans la nécessité ou de rougir de Jésus-Christ ou de craindre son courroux? Mais alors que peut-on dire à cela? Nous avouons sans hésiter que les biens de la terre sont tout autant de présents que Dieu nous a faits, quoique d'un rang bien inférieur, et que s'ils devenaient incompatibles avec le service de Dieu, on devrait non-seulement les mépriser, mais les refouler loin de soi. Nous ajoutons que, s'il s'agit de ces hommes charnels dont le coeur est tout entier à la terre, et qui n'ont pas encore le sentiment des promesses célestes, il est utile qu'ils demandent à Dieu seul ces biens temporels, plutôt que de les demander aux idoles ou aux démons.
