V. 3
« Lorsque les nuées se seront remplies, elles répandront la pluie sur la terre. Si l'arbre tombe du côté du midi ou du côté du septentrion, en quelque lieu qu'il sera tombé, il v demeurera. »Obéissez exactement aux commandements qu'on vous a faits ci-dessus, afin que les nuées répandent sur vous les eaux de leur pluie ; car vous devez vous attendre que vous demeurerez après votre mort au même lieu et à la même place que vous vous serez préparée pour l'avenir, soit au midi, soit au septentrion.
Voici une autre explication. Nous vous avons dit auparavant : « Répandez votre pain sur les eaux, » et donnez à tous ceux qui vous demandent; car dès que les nuées sont remplies, elles répandent abondamment leurs richesses sur les mortels; et vous qui êtes comparé à un arbre, quelque longue que soit la durée de vos jours , vous ne subsisterez pas éternellement; mais vous serez coupé par la violence de la mort , qui vous renversera et fera tomber à terre , de même que les arbres seront renversés par les orages et les tempêtes. Tombé que vous serez, vous demeurerez au même lieu où la mort vous laissera , soit qu'elle vous ait trouvé cruel et impitoyable envers vos frères, soit que vous soyez mort riche en bonnes oeuvres et plein de douceur et de miséricorde.
On peut encore, par allusion aux nuées, expliquer en cette troisième manière les paroles de l'Ecclésiaste. Le Psalmiste dit à Dieu: «Votre vérité s'élève jusqu'aux nuées; » et Dieu, dans Isaïe, menace les Juifs impies sous la figure d'une vigne qui produit de mauvais fruits : « Je commanderai aux nuées de ne pas répandre leur pluie sur cette vigne. » Par là nous sommes avertis que les prophètes sont comparés à des nuées, et que tous les saints qui se sont remplis peu à peu de bons enseignements et d'une céleste doctrine sont propres à les répandre sur le coeur de leurs auditeurs. C'est à eux qu'il appartient de dire: « Que mes discours soient reçus comme une douce pluie et comme les eaux du ciel qui se répandent sur la terre.» C'est cette terre à qui Moïse a dit d'abord dans son cantique du Deutéronome : « Que la terre écoute mes paroles. » Quant à la dernière partie du même verset : « Et si l'arbre tombe au midi ou au septentrion , en quelque lieu qu'il sera tombé , il y demeurera, » il faut lui donner du jour par cet endroit du prophète Abacuc: « Dieu viendra de Theman; » ce que les autres interprètes ont traduit : « Dieu viendra du midi ; » et, autant que j'en puis juger, le côté du midi se prend toujours en bonne part. Ainsi nous lisons dans le Cantique des cantiques, « Levez-vous, aquilon, » c'est-à-dire : retirez-vous et vous en allez, et vous, midi, venez vers nous. »L'arbre donc qui sera tombé et qui aura été coupé par la nécessité de la mort, inévitable à tous les hommes, s'il a péché pendant qu'il était debout, qu'il était sur pied, il demeurera du côté du septentrion; mais s'il a porté de bons fruits et dignes de la ferveur de la charité, de la chaleur du midi, il demeurera éternellement du bon côté, du côté du midi. Il n'y a point d'arbre qui ne tombe et ne demeure ou du côté d'aquilon, ou du côté du midi. Isaïe nous a marqué la même chose en ces termes: « Je dirai à l'aquilon : Faites venir, et je dirai au midi : Ne vous y opposez pas; car on ne dit jamais au vent du midi ou au vent d'orient : « Faites venir, amenez-nous, » parce qu'il faudrait que ces vents soufflassent dans les autres régions et que ceux qu'on voudrait faire venir habitassent dans d'autres pays. L'aquilon mène donc vers le midi, et le vent du couchant d'hiver porte ses habitants du côté d'orient; car on est incapable d'aucun progrès et d'aucune perfection quand on est fixe dans un même endroit, et qu'on persévère toujours dans les mêmes fautes.
