V. 5
« Comme vous ignorez par où l'âme vient et de quelle manière les os se forment dans les entrailles d'une femme grosse, ainsi vous ne connaissez point les oeuvres de Dieu , qui est le créateur de toutes choses. » Comme vous n'avez point. de connaissance du chemin que prend l'âme et l'esprit quand il entre dans le corps d'un petit enfant pour lui donner la vie, de même vous n'avez point de connaissance des ouvrages du créateur de toutes choses. Vous n'oseriez pas dire que vous comprenez distinctement comment les veines si différentes des os se forment dans le sein d'une femme grosse; comment une même matière et le même élément fournit à tant de membres différents la substance dont ils sont composés. Quelque vile et méprisable que soit cette matière, elle ne laisse pas de prendre mille diverses formes :une partie fait des chairs molles et délicates; une autre partie se durcit jusqu'à se changer en os; une autre palpite dans les veilles, et une autre enfin se convertit en nerfs pour servir de ligatures à toute la structure du corps humain. Par toutes ces considérations l'Écriture nous apprend à ne pas craindre les adversités et les événements qui pourraient nous être contraires,
à ne pas juger témérairement des vents et des nuées dont nous avons parlé ci-dessus ; parce qu'un semeur doit aller sou chemin sans interrompre sa course, et en laisser l'évenement aux desseins de Dieu et à la volonté du Seigneur; car« l'événement et le succès ne dépend point de celui qui veut et de celui qui court, mais de Dieu qui l'ait miséricorde.
V. 6, 7 et 8. « Semez votre grain dès le matin, et que le soir votre main ne cesse point de semer, parce que vous ne savez lequel des deux lèvera plus tôt, celui-ci ou celui là ; que si l'un et l'autre. lèvent, ce sera encore mieux. La lumière est douce et l'oeil se plait à voir le soleil. Si un homme vit beaucoup d'années et. qu'il se réjouisse dans tout ce temps-là, il doit se souvenir de ce temps de ténèbres et de cette multitude de jours qui, étant venus, convaincront de vanité tout le passé. » Prenez garde de ne point faire de choix et de ne point avoir des égards quand vous faites du bien ; et quand vous avez commencé à bien faire, persévérez toujours dans la pratique des bonnes oeuvres; que le soir vous trouve plein des oeuvres de justice que vous aurez faites le matin, et que le soleil du lendemain ajoute à son lever beaucoup d'actes de vertu sur les oeuvres de miséricorde que vous aurez faites le soir du ,jour précédent ; car vous vivez dans l'incertitude du mérite de vos actions, et vous lie savez point quelles sont les plus agréables à Dieu et celles qu'il doit un jour récompenser. Il peut néanmoins arriver que les uns et les autres lui seront agréables; ce qui sera encore un plus grand avantage pour vous.
Expliquons ceci autrement. Travaillez également et dans votre jeunesse et dans votre vieillesse, et lie dites point : J'ai fait tout ce que j'ai pu pendant que j'étais jeune et robuste: maintenant que je suis vieux il est juste que je me repose; car vous ne. savez point si c'est dans vos premiers temps que vous avez été agréable à Dieu, ou si ce bonheur vous arrivera lorsque vous serez dans un âge fort avancé; et après tout, une jeunesse bien réglée et modérée ne sert de rien à un homme qui passe sa vieillesse dans le luxe et dans la volupté. Nec prodest adolescentiae frugalitas, si senecta ducatur in luxu. C'est pourquoi il est dit dans les Écritures que, si le juste vient à s'égarer des voies de la justice, en quelque jour qu'il s'en sera détourné, toutes ses premières bonnes oeuvres ne sauraient le délivrer de la mort; mais si vous êtes constant à faire le bien en tout temps, et si vous marchez toujours d'un pied ferme et tout uni dans les voies de la vertu, vous verrez alors Dieu le Père, la source des lumières, la plus douce et la plus agréable de toutes les clartés. Vous jouirez aussi des rayons et de la lumière du soleil de justice, qui n'est autre que Jésus-Christ , selon le témoignage que lui rendent les prophètes et les autres écrivains sacrés. Au reste , si vous vivez une longue suite de jours, si vous jouissez pendant tout ce temps-là de toutes sortes de biens et de prospérités, et si vous l'ailes beaucoup de bonnes oeuvres, ayant toujours l'idée de la mort présente aux yeux de votre esprit et dans votre mémoire, vous regarderez toutes les choses présentes comme des biens périssables, fragiles, inconstants et méprisables.
