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Ici donc ces hommes pervers, en voulant rendre la Loi inutile, nous obligent à approuver ces Ecritures. Car ils relèvent soigneusement ce qui a été dit, que ceux-là sont dans l'esclavage qui vivent sous la Loi, et ils terminent par ces paroles triomphantes : « Vous qui voulez être justifiés par la Loi, vous n'avez plus de part à Jésus-Christ, vous êtes déchus de la grâce1 ». Tout cela est vrai, nous l'avouons, et cette Loi, nous ne la déclarons nécessaire que pour ceux à qui l'esclavage est encore utile. Ce qui a fait son utilité, c'est que les hommes que la raison ne pouvait détourner du péché, avaient besoin d'être retenus par une pareille loi, c'est-à-dire par la menace et la peur de ces châtiments qui peuvent frapper les yeux des insensés. Le Christ, en nous délivrant de ces terreurs, ne condamne pas cette loi ; il ne fait que nous inviter à obéir à son amour, et à ne pas être esclaves de la crainte de la Loi. C'est là la grâce même, bienfait dont ne comprennent point l'origine céleste ceux qui désirent encore être sous les chaînes de la Loi. L'apôtre Paul les blâme justement comme des infidèles, puisque cette servitude à laquelle ils étaient condamnés à une certaine époque par une juste disposition de Dieu, ils ne croient pas en être délivrés maintenant par Notre-Seigneur Jésus-Christ. De là cette parole du même apôtre : « La Loi nous a servi de conducteur pour nous mener comme des enfants à Jésus-Christ2 ». Ainsi donc Dieu a donné aux hommes un conducteur qu'ils devaient craindre, pour leur donner ensuite un maître qu'ils devaient aimer. Toutefois ces préceptes et ces commandements de la Loi; dont il n'est plus permis aux chrétiens maintenant de faire usage, tels que le sabbat, la circoncision, les sacrifices et autres choses de ce genre, renferment tant de mystères, que tout homme pieux comprend qu'il n'est rien de plus funeste que de prendre à la lettre, c'est-à-dire mot pour mot, tout ce qui s'y trouve, et rien aussi de plus salutaire que d'en saisir l'esprit.
De là cette parole : « La lettre tue et l'esprit donne la vie3 » ; et cette autre parole : « Lorsqu'ils lisent le vieux Testament, ce voile demeuré toujours sur leur cœur, sans être levé, parce qu'il ne s'ôte que par Jésus-Christ4 ». En effet, ce qui s'ôte par Jésus-Christ, ce n'est pas l'Ancien Testament, mais le voile qui le couvre, de sorte que par Jésus-Christ l'on comprend et l'on voit, comme à nu, ce qui sans le Christ est obscur et caché. Aussi le même apôtre ajoute-t-il aussitôt : « Mais quand leur coeur se tournera vers le Seigneur, alors le voile en sera ôté5 ». Il ne dit pas : La Loi, ou bien l'Ancien Testament disparaîtra. Ainsi donc, ce ne sont pas ces livres que la grâce divine a supprimés comme renfermant des choses inutiles, mais bien l'enveloppe qui recouvrait des choses utiles. Voilà ce qu'on peut dire à ceux qui apportent un soin pieux, et non un esprit brouillon et méchant, à la recherche du sens de ces Ecritures; on leur fait toucher du doigt et l'ordre des choses, et les motifs des actes et des paroles, et la conformité entre l'Ancien et le Nouveau Testament, conformité si grande qu'il ne reste pas entre eux la moindre différence, et le secret de toutes ces figures qui, une fois expliquées et comprises, nous forcent de déclarer que ceux-là sont bien malheureux, qui veulent les condamner avant de les connaître.
