21.
Il n’est pas inutile, je crois, de rechercher quelles sont les habitudes propres à chacune des deux espèces d’hommes dont nous avons fait l’éloge, Dion et moi. C’est parmi ceux qui prennent grand soin de leur chevelure que se trouvent les adultères. Homère fait de ce Pâris, si épris de ses belles boucles, un séducteur; il n’entretient si bien sa chevelure que pour entraîner les femmes à leur perte: ce n’est qu’un adultère. Adultères sont certainement tous ceux à qui l’on peut reprocher ce culte de leur personne. Voilà la race la plus dangereuse, celle qui fait le plus de mal dans la cité. Nous allons au combat, nous bravons tous les dangers pour préserver du déshonneur nos filles et nos femmes; et l’un de ces jeunes élégants va peut-être nous les ravir, et les emmener dans de lointaines contrées, à travers les mers; ou, s’il ne les entraîne pas au loin, il les débauchera dans un coin à la faveur des ténèbres. Quand une épouse est enlevée par l’ennemi, l’époux peut lui garder encore son affection; mais si elle est adultère, il ne reste pour elle aucune place dans le cœur de son mari : alors ce n’est plus à moitié seulement que la femme est perdue pour l’homme. Pour punir ces séducteurs les lois établissent des bourreaux, et les jardiniers sèment ces raves d’Attique qui servent au supplice du coupable, dès qu’il est pris en faute. N’est-ce pas cette race infâme qui a causé la perte d’un grand nombre de familles, et même de cités tout entières? C’est un adultère qui a mis aux prises l’Europe et l’Asie, et qui a poussé les Grecs à traverser les mers pour renverser l’empire de Priam. Plus infâme encore est une autre espèce d’hommes, comme ceux qui ont déshonoré la mémoire d’Alexandre, ces Clisthène, ces Timarque, et tous ces débauchés prostituant leur jeunesse par amour de l’argent, ou, à défaut d’argent, par l’espoir d’obtenir quelque faveur, ou tout simplement pour la satisfaction de leurs ignobles instincts. Tous les efféminés arrangent avec soin leurs cheveux. Voyez ceux qui font ouvertement métier d’attirer les passants: ils pensent les séduire, en essayant de ressembler ainsi aux femmes. Quant à ceux qui cachent leur dépravation en protestant tout haut de leur pureté, dussent-ils ne trahir par aucun autre indice leur participation au culte de Cotys,1 il suffit de les voir, amoureux de leur chevelure, la parfumer et la disposer en boucles, pour avoir le droit d’affirmer qu’ils sont initiés aux mystères de la déesse de Chios2 et aux fêtes ithyphalliques. Phérécyde se couvrant la tête d’un pan de sa robe, et montrant son doigt, disait: « Ma peau fait voir quelle est ma maladie.3 » De même nous reconnaîtrons à leur chevelure les jeunes gens qu’animent d’impures passions.
Cotys ou Cotytto, divinité de la Thrace. Les cérémonies de son culte, qui se répandit dans diverses contrées de la Grèce et de l’Italie, étaient accompagnées de débauches. ↩
Chios était consacrée à Vénus; mais peut-être est-ce de Cotys qu’il est ici question. ↩
Voici comment Diogène Laërce (Vies des philosophes. Phérdcide) raconte l’histoire à laquelle Synésius fait allusion: « Quelques-uns disent que Phérécyde fut consumé de vermine, et que Pythagore s’étant rendu chez lui pour s’informer de sa santé, Phérécyde passa son doigt hors de la porte, et lui dit: La peau le montre. Ces paroles sont devenues proverbiales. » ↩
