2.
C’est ainsi que je me plaignais des dieux, et mon infortune me paraissait insupportable. Peu à peu cependant, l’habitude et la raison m’aidant à supporter ma tristesse, je commençais à me consoler, et je prenais mon mal en patience. Mais voici que Dion a ravivé mes regrets ; il excite le chagrin qui revient m’assaillir. Contre deux adversaires, dit le proverbe, que ferait Hercule lui-même? Quand les Molionides fondirent ensemble sur lui, il ne put leur résister; mais il soutint la lutte avec succès contre l’hydre, tant que ce ne fut qu’un duel entre elle et lui: lorsque l’écrevisse vint au secours de l’hydre, il n’aurait pu espérer la victoire, s’il n’avait appelé Iolas à son aide. Moi de même, quand je me vois Dion sur les bras, je me trouve bien empêché; car je n’ai pas un neveu, un Iolas sur qui compter. Aussi perdant courage, et impuissant à me faire une raison, je ne sais plus que composer des élégies pour déplorer la perte de ma chevelure. — Mais quoi! dira-t-on, tu te prétends le plus brave des chauves, si vaillant que tu ne t’inquiètes pas de ton infortune; et même, dans un festin, quand les convives s’amusent aux dépens les uns des autres, tu es le premier à rire de ta calvitie, tu as presque l’air d’en être fier. Eh bien! supporte, sans t’émouvoir, le discours de Dion; amarre, comme on dit, solidement ton cœur,1 à l’exemple d’Ulysse, quand il resta insensible aux injurieuses railleries des femmes; ne te laisse pas troubler par ce livre... Tu ne le pourrais pas? Allons donc! tu le pourras. Écoute cette lecture. — Inutile d’ouvrir le livre, je vais te le réciter moi-même; il est assez court, mais quel charme! quelle grâce! Il se grave dans la mémoire; impossible de l’oublier, quand même je le voudrais.
Voir, Odyssée, XX, 23, le passage auquel Synésius fait allusion. ↩
