7.
Les principes des choses sont simples; à mesure que l’on descend vers les êtres inférieurs, la nature prend des aspects variés; car rien ne varie plus que la matière, parce qu’elle est au bas de l’échelle. Quand le divin vient la toucher, elle ne l’admet pas aussitôt dans sa plénitude; elle ne reçoit que des images et des germes qu’elle garde et qu’elle entretient. Tantôt elle se soumet à l’action divine, tantôt elle se révolte contre elle et la repousse, sans lui laisser le temps de s’accomplir. Ces deux manières d’être sont possibles, et il n’y a point là, comme on pourrait le croire, de contradiction. Mais ces considérations nous entraîneraient trop loin; contentons-nous d’avoir indiqué ce qui se rapporte à notre sujet. Montrons par des exemples comment la nature modifie capricieusement des choses encore en voie de formation, et les respecte lorsqu’elles arrivent à leur maturité. Voyez les semences qui sont confiées à la terre : elles présentent, quoique dans une bien faible mesure, quelque chose de divin; leur fin dernière, c’est le fruit; mais avant qu’il soit produit, quelle variété de métamorphoses! Les racines, le chaume, la tunique, les barbes, les glumes, et après les glumes les glumelles, précèdent le fruit, qui reste caché tant qu’il n’est pas entièrement formé; mais dès qu’il paraît, c’en est fini de toutes les manifestations capricieuses de la matière. La parure est inutile à tout objet parfait; or le fruit est parfait, puisqu’à son tour il peut servir de germe. Tel est le sens que révèlent les fêtes1 qui se célèbrent à Éleusis en l’honneur de Cérès. L’intelligence est la plus divine de toutes les semences; elle vient d’en haut dans notre tête; elle y fructifie, comme le grain jeté dans le sillon produit le blé. Ici encore la nature procède à sa manière accoutumée: elle se met en frais pour orner la tête, elle la pare de cheveux, comme elle pare l’épi de barbes et de glumes, ou l’arbuste de fleurs qui paraissent avant les fruits. Mais pour que l’arbre porte ses fruits, il faut que les fleurs soient tombées. Aussi la sagesse ne réside vraiment que dans une tête mûrie par les années, quand le temps, comme un vanneur qui sépare le bon du mauvais, l’a délivrée de cette vaine superfluité où se complaît la matière. Alors on peut être sûr qu’elle est comme le fruit arrivé à sa perfection. Si vous voyez un front entièrement dénudé, regardez-le comme le domicile de l’intelligence; considérez cette tête comme le temple de la Divinité. On pourrait donc, en l’honneur de la tête, célébrer des mystères: appelons-les, à cause des profanes, des Anacalyptéries; mais les sages y verront plutôt des Épibatéries de l’intelligence.2 Celui qui vient d’entrer dans les rangs des chauves est comme un nouvel initié récemment admis aux Théophanies.3 De même que des grains de blé, des grenades et des noix pourrissent intérieurement sous l’enveloppe qui les recouvre, ainsi l’on voit des têtes en qui tout est mauvais; elles n’ont rien de divin, enveloppées qu’elles sont d’une matière morte. En Egypte, nous le savons, les ministres de la religion ne laissaient pas croître même leurs sourcils; ils se donnaient ainsi un air étrange; mais ils agissaient avec beaucoup de sens, en leur qualité de sages et d’Egyptiens. Car les choses qui sont éternelles, et dont la vie est l’essence même, ne peuvent avoir d’affinité avec des parties inanimées. Se faire raser par la main de l’homme, c’est entrer déjà dans la voie de la sainteté; mais être naturellement chauve, c’est se rapprocher vraiment de Dieu; car la Divinité sans doute est chauve aussi. Puisse-t-elle ne pas s’offenser de mon langage! Du moins je ne vais parler d’elle qu’avec un religieux respect.
