35.
Mais pourquoi , me diras-tu, cette déchéance des créatures?- Parce qu'elles sont muables. —Et pourquoi sont-elles muables? — Parce qu'elles ne sont point souverainement. —Pourquoi ne sont-elles point souverainement? —Parce qu'elles sont inférieures à Celui qui les a faites. —Qui donc les a faites? — Celui qui existe souverainement. — Quel est-il? — C'est Dieu, l'immuable Trinité : il les a créées par son infinie sagesse, et les conserve avec une souveraine bonté. — Pourquoi les a-t-il créées ? — Afin qu'elles existent. Car l'être, à quelque degré qu'il soit, est un bien, puisque le souverain bien est l'être souverain. — De quoi les a-t-il créées? — De rien ; en effet, tout ce qui est appartient à une espèce d'être quelconque, fût-elle au dernier degré; ce dernier degré est un bien, et ce bien vient de Dieu. Car si l'être, à son degré le plus élevé, est le souverain bien, la dernière espèce d'être est aussi le moindre bien. Or tout bien est Dieu , ou vient de Dieu ; donc le dernier degré de bien est aussi de lui. Et ce que nous disons de l'être dans son espèce, specie, nous pouvons aussi le dire de sa forme, forma. Et ce n'est pas sans raison que les mots speciosissimum et formosissimum sont employés pour désigner des qualités louables. Ainsi donc, l'état d'où Dieu a tout tiré n'appartient à aucune espèce d'être et ne possède aucune forme; ce n'est autre chose que le néant. Car ce que l'on appelle difforme, en le comparant aux êtres parfaits, n'est pas encore le néant, quand il y a là quelque forme, si élémentaire, si peu sensible qu'elle soit; et conséquemment cet être difforme, en tant qu'être ne vient que de Dieu.
