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Si donc l'âme raisonnable est malheureuse par son péché, heureuse par ses actes de vertu; si toute créature irraisonnable cède devant une nature plus puissante, obéit à une nature meilleure, ou peut lutter avec son égale; si elle exerce le courage des combattants, ou fait le supplice du condamné; si enfin le corps est soumis à l'âme autant que celle-ci le mérite et que l'ordre l'exige; il suit de là qu'il n'y a point un mal général, et que chaque créature est mauvaise par sa faute. Or quand, régénérée par la grâce de Dieu, rendue à sa première beauté, et soumise uniquement à son Créateur, l'âme aura commencé à dominer le monde au lieu d'être dominée avec lui, et que le corps lui-même sera rétabli dans sa force primitive, il n'y aura plus de mal pour l'âme; car cette beauté inférieure et changeante, qui se complétait avec elle dans la succession des temps , sera parfaite et lui sera soumise; il y aura alors, selon l'oracle sacré, « un ciel nouveau et une terre nouvelle1. »
L'âme ne se fatiguera plus dans une partie de l'univers, elle régnera sur le tout; car « tout est à vous, dit saint Paul, et vous, vous êtes au Christ, comme le Christ est à Dieu2. L'homme est le chef de la femme, et le chef de l'homme est Jésus-Christ, comme le chef de Jésus-Christ est Dieu3. »
Ainsi donc, puisque le mal de l'âme n'est pas dans sa nature, mais contre sa nature; puisqu'il n'est autre que le péché et la peine du péché, concluons qu'aucune nature, ou mieux, que nulle substance, nulle essence, n'est mauvaise. Jamais non plus le péché de l'âme coupable, ni son châtiment, ne pourront souiller l'univers. Car la créature raisonnable, quand elle est exempte de péché et soumise à son Dieu, domine tout le reste; si elle est coupable, elle est placée dans la situation qui lui convient; en sorte que tout est beau sous le gouvernement divin de Celui qui a tout créé. Ainsi donc trois choses concourent à l'inviolable beauté de l'univers : la condamnation du pécheur, l'épreuve du juste, et le bonheur parfait des bienheureux.
