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L'homme extérieur s'anéantit ou par les progrès de l'homme intérieur, ou par sa propre défaillance. Quand il s'anéantit par les progrès de l'homme spirituel, c'est pour se relever plus parfait , et recouvrer son intégrité au son de la dernière trompette, et il ne pourra plus alors ni corrompre ni être corrompu. Mais s'il se dégrade lui-même, il tombe en des beautés d'un ordre inférieur, c'est-à-dire sous la justice du châtiment. Je parle ici de beautés, car rien n'est dans l'ordre qui ne soit beau; et comme dit l'Apôtre1, « Tout ordre vient de Dieu2. »
Nous devons avouer qu'un homme dans les pleurs est préférable à un brillant vermisseau: cependant je pourrais, sans mentir, louer longuement cette chétive créature , faire remarquer l'éclat de ses couleurs, la délicatesse de ses formes, l'accord parfait entre la tête et le milieu, entre le milieu et l'extrêmité ; l'unité reproduite autant qu'elle peut l'être dans cette humble nature: car il n'est rien d'un côté, qui ne se voie de l'autre avec d'égales dimensions. Que dirai-je ensuite de la vie qui anime ce petit corps? comme elle le meut avec mesure, comme elle cherche ce qui convient, comme elle sait selon ses forces, vaincre où éviter les obstacles ! et rapportant tout à la conservation, ne révèle-t-elle pas mieux que le corps l'unité supérieure, qui a créé toutes les natures ? J'ai parlé d'un vermisseau doué de vie: mais que n'ont pas dit plusieurs auteurs sans exagération pour louer la cendre même, la pourriture3? Quand donc je parle de l'âme humaine qui toujours et partout l'emporte sur tous les corps, faut-il s'étonner que j'admire l'ordre dont elle fait partie , que je voie ses châtiments produire de nouvelles beautés? Malheureuse, elle n'est pas où doivent être les bienheureux, mais où il convient que soient les malheureux.
