CHAPITRE XIII. COMBIEN EST RARE LA PURETÉ PARFAITE DANS LE MARIAGE.
15. Comment en effet, sous le règne de Jésus-Christ, quand ils se voient au temps, non plus d'embrasser s, mais de s'abstenir de tout embrassement, ceux qui, libres encore des liens du mariage, peuvent garder la continence, hésiteraient-ils un seul instant à s'abstenir du mariage et à choisir la continence virginale ou viduelle, plutôt que de se jeter dans la tribulation de la chair, complément inséparable du mariage selon la parole de l'Apôtre? Nous supposons toutefois qu'aucune nécessité sociale ne les contraint de se marier. Mais voici que poussés par la concupiscence, il en est qui ont rivé sur eux les chaînes du mariage. Si alors ils triomphent des penchants de la chair, sans doute ils ne pourront plus rompre le mariage malgré la liberté où ils étaient de ne pas le contracter, mais du moins ils peuvent réaliser la perfection de cet état. Ou bien, d'un consentement mutuel, ils monteront à un degré plus élevé de la sainteté; ou bien, s'ils ne sont pas tous deux capables de cette perfection, le plus parfait des deux, sans exiger le devoir, se contentera de le rendre, en observant toutes les ;règles d'une conduite chaste et religieuse. Dans les temps anciens, quand le mystère de notre salut était encore voilé sous les figures prophétiques, ceux mêmes qui pouvaient rester continents, se mariaient dans le but de propager la race humaine; dès lors le mariage était pour eux non point une victoire de la concupiscence, mais un acte de piété. Si, comme à nous, le choix leur eût été donné; si comme à nous, il leur eût été dit : « Que celui qui peut saisir saisisse1 », pouvons-nous croire qu'ils n'auraient pas embrassé avec joie la virginité, quand nous voyons comment ils vivaient avec leurs épousés? Chaque homme pouvait avoir plusieurs femmes; mais ils avaient avec elles des relations plus chastes, que n'en ont aujourd'hui avec une seule femme ces époux à qui l'Apôtre fait les concessions dont nous avons parlé2. Les anciens se mariaient pour avoir une postérité et non pour satisfaire ces désirs auxquels sont en proie les nations qui ne connaissent pas le Seigneur3. Ne dites pas que cette conduite n'a rien d'extraordinaire, car aujourd'hui pour un grand nombre de chrétiens il est plus facile de vivre dans la continence absolue, que de s'abstenir dans le mariage des relations qui n'auraient pas pour but unique de leur créer une postérité. Une multitude de nos frères des deux sexes, héritiers comme nous du royaume des cieux, se condamnent à la continence, soit après avoir fait l'épreuve du mariage, soit en conservant la virginité perpétuelle. Au contraire, parmi ceux qui sont mariés ou qui l'ont été, combien en trouvons-nous qui, dans l'intimité de la confidence, puissent nous affirmer que jamais ils n'ont- eu de relations conjugales, que dans le but ou avec l'intention d'avoir des enfants? Donc ce que les Apôtres ordonnent aux époux, constitue la nature du mariage; ce qu'ils permettent, sous forme de pardon, ou ce qui empêche la prière, le mariage ne le commande pas, il le tolère.
