CHAPITRE III. TROIS PREMIERS AVANTAGES.
Laquelle de ces opinions est la vraie ? Peut-on en imaginer d'autres encore, tout en se fondant sur les paroles de la bénédiction primitive? De telles questions nous entraîneraient trop loin.
3. Contentons-nous de dire que, vu la condition où nous sommes créés et que nous connaissons, de naître et de mourir, l'union de l'homme et de la femme est en elle-même un bien réel. En effet cette union est si précieuse aux yeux de l'Ecriture, que la femme, du vivant de son premier époux, ne peut en épouser un autre, fût-elle renvoyée par lui. Réciproquement, l'homme renvoyé par sa femme ne peut en épouser une autre jusqu'à ce que la première soit décédée. Dans l'Evangile le Sauveur affirme la bonté du mariage, non-seulement en défendant à la femme de quitter son mari, si ce n'est en cas de fornication1, mais encore en acceptant d'assister lui-même à un mariage2. Ce fait, à lui seul, prouve là la proposition que j'avance.
L'honorabilité du mariage ne résulte pas seulement de la création des enfants, mais encore du besoin naturel à des sexes différents de faire entre eux société. Autrement le mariage ne serait pas convenable entre vieillards, surtout s'ils avaient perdu leurs enfants ou s'ils n'en avaient jamais eu. Or ce mariage entre vieillards, tous le regardent comme légitime; l'ardeur juvénile des époux n'existe plus, mais il suffit que l'affection les unisse. Aussi regardons-nous comme un signe de perfection dans les époux de renoncer, d'un consentement mutuel, aux relations conjugales; dès lors plus ils sont parfaits, plus tôt ils y renoncent, non pas que par là ils se soient mis dans l'impossibilité physique de répondre, dans la suite, à une volonté réciproque ; du moins se sont-ils procuré la gloire de se refuser ce qui leur était permis; et quand les époux se rendent réciproquement le respect et les autres devoirs, leurs membres fussent-ils glacés et presqu'éteints par l'âge, le mérite de la chasteté leur reste; chasteté du coeur et d'esprit d'autant plus sincère, d'autant plus sûre, qu'elle est plus calme et plus tranquille. De plus le mariage a encore cet heureux résultat de tourner vers le but honnête de la propagation des enfants, l'incontinence, même vicieuse, des jeunes gens. C'est ainsi que l'union conjugale change en bien le mal même de la concupiscence. Ensuite l'affection paternelle réprime et rend plus honnêtes les ardeurs de la chair. La volupté la plus ardente devient tout à coup un sentiment sérieux dans les époux, à la pensée qu'en s'unissant ils vont mériter les titres de père et de mère.
