CHAPITRE V. QUAND Y A-T-IL MARIAGE ENTRE L'HOMME ET LA FEMME.
5. Un homme et une femme qui ne sont liés par aucun mariage antérieur, ont ensemble des relations charnelles, non pas précisément dans le but d'avoir des enfants, mais uniquement par incontinence; et cependant ils nourrissent la ferme résolution de se garder une fidélité réciproque. On demande si l'on peut voir en cela un mariage véritable. On le peut certainement pourvu que leur engagement soit perpétuel, pourvu aussi que, sans se proposer peut-être la génération des enfants, ils ne l'évitent pas de propos délibéré et ne s'y opposent pas criminellement. Mais si l'une ou l'autre de ces conditions manque, il n'y a plus mariage à nos yeux. En effet, qu'un homme conserve une femme en attendant qu'il trouve à en épouser une autre qui lui agrée davantage, pour l'honneur ou pour la richesse, je dis que dans son coeur il commet l'adultère, non pas précisément contre celle qu'il désire trouver,mais contre celle qu'il entretient sans avoir l'intention de l'épouser. Et si cette dernière connaît les dispositions de son séducteur, elle est coupable parce qu'elle n'est liée à lui par aucun engagement matrimonial. Toutefois si, même alors, elle reste fidèle; si, après le mariage de son complice, elle n'a aucune volonté de se marier et se dispose à vivre dans la continence absolue, je crois qu'alors je ne pourrais pas l'accuser d'adultère. Tous affirment du reste et sans hésiter, qu'elle pèche dans les relations qu'elle a avec un homme dont elle n'est pas l'épouse. Supposons maintenant que, dans ses désordres, du moins quant à ce qui la regarde, elle ne se propose autre chose que d'avoir des enfants, et, qu'en dehors de ce but, tout la fasse souffrir, je dis qu'elle l'emporte sur un grand nombre de matrones qui, sans être proprement adultères, forcent des maris qui voudraient rester dans la continence, à leur rendre le devoir conjugal, non pas dans le but d'avoir des enfants, mais uniquement pour satisfaire l'ardeur de la (109) concupiscence qui les dévore, usant ainsi avec intempérance d'un droit qui leur appartient. Et cependant leur mariage reste bon en lui-même, par cela seul qu'elles sont mariées; car elles le sont, afin de restreindre cette concupiscence dans des limites légitimes, en dehors desquelles elle déborderait sans mesure et sans frein, appuyée sur l'indomptable faiblesse de la chair, tandis que le mariage produit l'union indissoluble et force à la fidélité; de plus la chair, par elle-même, se porte immodérément aux oeuvres qui lui sont propres; le mariage, au contraire, couvre du voile de la chasteté, la génération elle-même; car, s'il est honteux d'user passionnément d'un mari, c'est faire preuve d'honnêteté de ne connaître que son mari et de ne recevoir que de lui les honneurs de la maternité.
