CHAPITRE XVII. LES ÉPOUX D'AUJOURD'HUI ET CEUX DES TEMPS PRIMITIFS.
19. Quelque nombreux que soient aujourd'hui ceux dont il est dit : « Si la continence leur est impossible, qu'ils se marient1», gardons-nous bien de les comparer aux saints époux d'autrefois. Il est vrai que le mariage, chez toutes les nations, n'a qu'un seul but, la génération des enfants. Ces enfants, par la suite, pourront être bons ou mauvais, mais toujours est-il que le mariage est institué pour leur donner une naissance légitime et honnête. Pour les hommes qui ne peuvent observer la continence, le mariage est en quelque sorte un degré d'élévation dans la vertu; pour ceux qui auraient pu rester continents, si les nécessités de l'époque l'avaient permis, c'est par un sentiment de piété qu'ils se sont abaissés au mariage. Pour tous indistinctement le mariage, en tant qu'il a pour but la création des enfants; a été une chose bonne; mais quant au mérite propre des personnes la différence était très-grande. En effet, dans les uns, malgré l'honnêteté du mariage, nous trouvons ce qui n'est pas de la nature du mariage et ne leur est concédé que par indulgence, je veux parler de ce qui excède les nécessités de la génération. Dans les autres, nous ne trouvons point ces excès. Que dis-je ? présentez-moi des époux, s'il en est, qui ne cherchent et ne désirent, dans le mariage, que ce pourquoi le mariage a été institué, croyez-vous que je pourrais les placer sur le même rang que les saints dont je parle? Tous, il est vrai, désiraient des enfants, mais de nos jours, ce désir est un désir charnel, tandis qu'alors c'était un désir tout spirituel et prophétique, comme l'époque dans laquelle on vivait. Aujourd'hui quiconque est arrivé à la perfection de la piété, ne cherche plus que des enfants spirituels; taudis qu'autrefois c'était la piété elle-même qui inspirait la génération charnelle, laquelle était une annonce des événements et entrait dans le plan dès prophéties.
20. Voilà pourquoi, s'il était permis à un homme d'avoir plusieurs femmes, une femme ne pouvait avoir plusieurs maris, même dans le cas de fécondité de sa part et d'impuissance de la part de son époux. Ceci repose sur une loi secrète de la nature qui cherche l'unité dans le chef; tandis que si la raison naturelle ou sociale le permet, plusieurs inférieurs peuvent, sans honte, reconnaître la direction d'un seul maître. Un seul esclave n'a pas plusieurs maîtres, tandis qu'il est dans l'ordre qu'il n'y ait qu'un seul maître pour plusieurs esclaves. De même nous ne voyons nulle part qu'une pieuse épouse ait eu deux ou plusieurs maris vivants, tandis que l'histoire nous montre des maris ayant chacun plusieurs femmes, quand les lois de la société le permettaient, ou que les besoins de l'époque l'exigeaient; un tel état de choses m'est point contraire à la nature du mariage. En effet un seul homme peut suffire à plusieurs femmes, mais une femme ne saurait suffire à plusieurs maris. Ce principe est fondamental. Ainsi Dieu a sous sa puissance toutes les âmes, car, pour elles, il n'y a qu'un seul Dieu véritable ; tandis que pour une seule âme, livrée à plusieurs faux dieux, il n'y a plus de possible que la fornication et non la génération.
I Cor. VII, 9. ↩
