3.
Quant à ces autres paroles du même Apôtre : « Vous ne pouvez participer à la table du Seigneur et à celle des démons », je ne vois pas comment les Manichéens peuvent y voir la contradiction du passage de la Loi. En effet, il ne s'agit pas des viandes immolées, dans ce texte du Deutéronome : « Tuez selon le désir de votre âme, et mangez toute sorte de viande, selon le plaisir que Dieu vous a donné »; il n'est question que des aliments à l'usage de l'homme. Mais n'oublions pas qu'aux yeux des Manichéens, toutes les viandes animales préparées- pour l'alimentation, sont des viandes immolées ; voilà pourquoi ces passages de l'Écriture leur paraissent contradictoires. Aussi n'hésitent-ils pas à alléguer également ces autres paroles : « Ce que les Gentils immolent, ils l'immolent aux démons et non à Dieu » ; mais n'est-il pas de la dernière évidence que l'Apôtre parle ici des viandes offertes dans le temple des démons, et non de celles que l'on prépare pour la nourriture de l'homme? Voici le texte tout entier: « Est-ce donc que je veuille dire que ce qui a été immolé aux idoles ait quelque vertu, ou que l'idole soit quelque chose? Mais je dis que ce que les païens immolent, ils l'immolent aux démons et non à Dieu. Or, je désire que vous n'ayez aucune société avec les démons, car vous ne pouvez pas boire le calice du Seigneur et le calice des démons; vous ne pouvez pas participer à la table du Seigneur et à la table des démons. Est-ce que nous voulons irriter Dieu et le piquer de jalousie ? Sommes-nous plus forts que lui ? Tout m'est permis, mais tout n'est pas avantageux. Tout m'est permis, mais tout n'est pas édifiant. Que personne ne cherche sa propre satisfaction, mais le bien des autres. Mangez de tout ce qui se vend à la boucherie, sans vous enquérir d'où il vient, par scrupule de conscience, car la terre avec tout ce qu'elle contient est au Seigneur. Si un infidèle vous invite à manger chez lui et que vous vouliez y aller, mangez de tout ce qu'on vous servira sans vous enquérir d'où il vient, par scrupule de conscience. Mais si quelqu'un vous dit : Ceci a été immolé aux idoles, n'en mangez pas, à cause de celui qui vous a donné cet avis et aussi de peur de blesser la conscience. Quand je dis la conscience, je ne dis pas la vôtre, mais celle d'un autre; car pourquoi m'exposerai-je à faire condamner par là conscience d'autrui la liberté que j'ai de manger de tout ? Si je prends avec action de grâces ce que je mange, pourquoi parle-t-on mal de moi et me condamne-t-on pour une chose dont je rends grâces à Dieu? Soit donc que vous mangiez, soit que vous buviez, et quelque chose que vous fassiez, faites tout pour la gloire de Dieu1 ». Que les Manichéens méditent ces paroles et qu'ils examinent dans quel sens il est dit au Deutéronome : « Immolez selon le désir de votre âme, et mangez de toute chair, selon le plaisir que Dieu vous a donné ». Si les Juifs ont reçu la défense de manger de certaines viandes qui étaient dites impures, le législateur voulait par là symboliser les hommes impurs dont il est si souvent parlé dans l'Ecriture. Selon l'Apôtre, le boeuf auquel on devait, laisser la liberté de la bouche pendant qu'il foulait le grain, est l'image de l'Evangéliste2; de même les viandes défendues figurent certaines impuretés des hommes, lesquelles ne sont pas reçues dans la société du corps de Jésus-Christ, c'est-à-dire dans l'Eglise, stable et éternelle. En effet, aucune nourriture n'est impure par elle-même, mais l'homme qui en mange, avec l'intention de scandaliser, se rend réellement coupable.
