2.
Les Juifs demandaient au Seigneur si, moyennant un écrit de répudiation, il était permis de renvoyer sa femme. Jésus leur répondit : « N'avez-vous pas lu que Celui qui a créé l'homme les a faits homme et femme; et il a dit : En conséquence l'homme abandonnera son père et sa mère pour s'attacher à sa femme, et ils seront deux dans une seule chair? Ils ne sont donc plus deux, mais une seule chair. Donc ce que Dieu a uni, que l'homme ne le sépare pas. Ils lui dirent : « Pourquoi donc Moïse a-t-il commandé de donner un écrit de répudiation et de renvoyer sa femme? Jésus leur dit: C'est à raison de la dureté de votre coeur que Moïse vous a permis de renvoyer vos épouses ; mais il n'en était pas ainsi au commencement. Je vous dis: Quiconque répudiera sa femme, si ce n'est pour cause de fornication, la rend adultère ; et s'il en épouse une autre, il commet l'adultère1 ». Se pourrait-il une confirmation plus formelle de l'Ancien Testament, en réponse à l'ignorance des Juifs ? En même temps le Sauveur justifie Moïse, en déclarant que c'est uniquement à cause de la dureté de leur coeur qu'il leur permit le divorce. Prétendra-t-on mettre l'Évangile en contradiction avec lui-même ? Peut-être les Manichéens vont-ils alléguer que ce chapitre n'est qu'une addition faite par ceux qui ont interpolé les saintes Écritures ; c'est là en effet la dernière ressource qu'ils emploient d'ordinaire quand ils ne savent plus que répondre. Mais alors pourquoi n'en dirait-on pas autant du passage qu'ils citent en le mettant sur les lèvres du Seigneur: « Quiconque abandonnera sa maison, ou son épouse, ou ses parents, ou ses enfants pour le royaume des cieux », etc... ? L'erreur les aveugle tellement, qu'ils ne comprennent pas que les moyens qu'ils emploient pour se justifier ne tendent à rien moins qu'à renverser tout l'édifice de la foi chrétienne. Or, la foi et l'enseignement de l'Église catholique nous affirment que ces deux passages sont la vérité même, qu'ils ont été révélés par Dieu et qu'ils n'impliquent aucune contradiction; car c'est Dieu qui forme l'union de l'homme et de la femme, comme c'est lui qui autorise de quitter sa femme pour conquérir le royaume des cieux. Parce que Jésus-Christ a ressuscité les morts et leur a donné la vie, est-ce que la vie elle-même ne doit plus être abandonnée pour le royaume des cieux ? Oui, sans doute, c'est Dieu qui unit la femme à son mari, et cependant, si besoin est, la femme doit être quittée pour le royaume des cieux. Ce besoin n'existe pas toujours, car l'Apôtre a dit: « Si un chrétien a une épouse infidèle et que celle-ci consente à habiter avec lui, qu'il ne la renvoie pas2 ». Cela signifie que si elle ne consent pas à habiter avec lui, c'est-à-dire si elle a en horreur la foi chrétienne, si elle ne peut le supporter parce qu'il est chrétien, il doit la quitter pour le royaume des cieux; c'est encore la décision du même Apôtre « Si la partie infidèle s'éloigne, qu'on la laisse, car l'épouse ou l'époux chrétiens ne sont pas condamnés à la servitude en ce point ». Si donc quelqu'un renonce au royaume des cieux plutôt que de renvoyer une femme qui ne peut tolérer un mari chrétien, le Seigneur le désapprouve; de même si, au moyen du libelle de répudiation, un homme répudie sa femme sans aucune cause de fornication, ou sans se proposer le royaume des cieux, Dieu le condamne. Il n'y a donc aucune contradiction entre ces deux chapitres évangéliques, ni entre l'Évangile et l'Ancien Testament. Partout, en effet, nous voyons que la femme est unie à son mari, dans le but que tous deux méritent la possession du royaume des cieux; d'un autre côté et par la même raison, il est ordonné de renvoyer la femme, si elle est pour son mari un obstacle à posséder le royaume des cieux.
