VIII.
Hélas! beaucoup de chrétiens ont perdu de vue ces enseignements. Pour nier Jésus-Christ, ils n’ont pas attendu la sommation du juge; pour offrir l’encens aux idoles, ils n’ont pas attendu d’être entre les mains des bourreaux. Vaincus sans combat, terrassés avant la mêlée, il ne leur reste pas même l’excuse d’avoir cédé à la violence. D’eux-mêmes, ils ont couru au forum et se sont précipités vers la mort, comme s’ils la désiraient, comme s’ils profitaient d’une occasion attendue depuis longtemps.
Mais que dire de ceux que les magistrats. renvoyèrent au lendemain et qui insistèrent pour que leur perte ne fût pas différée? Peut on, pour excuser sa faute, alléguer la violence quand on a fait violence soi-même pour périr sur-le-champ? Quand vous êtes monté librement au Capitole, quand vous avez été sur le point de commettre votre forfait, n’avez-vous pas senti vos pieds chanceler, vos yeux s’obscurcir, vos entrailles (65) s’émouvoir, vos bras tomber de défaillance? N’avez-vous pas senti votre intelligence frappée de stupeur, votre parole interrompue, votre langue paralysée? Un serviteur de Dieu a pu se tenir debout devant l’autel, parler et renoncer au Christ, lui qui déjà avait renoncé au monde et au démon. Cet autel, où il a osé sacrifier, n’est-il pas le bûcher qui a consumé son innocence? Cet autel du démon, d’où s’élevaient de noires vapeurs, ne devait-il pas le fuir, comme s’il avait dû y laisser et son corps et sa vie? Pourquoi, malheureux, conduire une vidime avec vous? pourquoi la placer sur l’autel? C’est vous qui êtes la victime de votre honteux sacrifice. Vous immolez, vous brûlez, sur ce bûcher fatal, votre salut, votre espérance, votre foi.
