XIX.
Moïse prie pour les péchés du peuple et pourtant il ne peut obtenir la grâce des pécheurs. Je vous en prie, Seigneur, ce peuple a commis une grande faute en se faisant des idoles d’or; faites-lui grâce, sinon, effacez-moi du livre écrit par voire main. Et le Seigneur répond à Moïse : Si quelqu’un pèche en ma présence, je l’effacerai de mon livre (Ex., XXXI). Ainsi, l’ami de Dieu, celui qui lui parlait face à face ne pût obtenir l’effet de sa prière ni apaiser la colère divine. Le Seigneur loue Jérémie en ces termes : Avant de te former dans le sein de ta mère, je te connaissais; avant ton entrée dans ce. monde, je t’ai sanctifié et je t’ai (81) établi prophète au milieu des nations (Jér., II). A peine Jérémie veut-il prier pour les péchés du peuple, que le Seigneur lui répond : Ne prie pas pour ce peuple, ne m’adresse pas de supplications en sa faveur, car je ne l’exaucerai pas quand il criera vers moi, au jour de l’affliction (Jér., VII). Qui fut jamais plus saint que Noé ? Il fut seul trouvé juste sur la terre, alors que le péché en couvrait toute la face. Qui fut plus glorieux que Daniel? qui combattit avec plus de force et de générosité? il sortit vainqueur de toutes les épreuves et survécut à sa victoire. Qui, plus que Job, fut zélé pour les bonnes oeuvres, fort dans la tentation, patient dans la douleur, pénétré de la crainte de Dieu, sincère dans sa foi? Et pourtant Dieu n’a pas promis d’exaucer ces augustes personnages. Le prophète Ezéchiel priait pour les péchés du peuple; Dieu lui répondit en ces termes : Si une contrée m’offense, j’étendrai ma main sur elle, je détruirai ses ressources, j’y enverrai la famine et j’anéantirai les hommes et les animaux. Quand bien même Noé, Daniel et Job seraient au milieu de ce peuple, ils ne pourraient délivrer de là mort leurs fils et leurs filles; eux seuls seraient sauvés (Ezéc., XIV). Ce qu’on demande dépend non de celui qui prie, mais de celui qui donne. L’homme ne peut obtenir que ce que Dieu daigne lui accorder.
