CHAPITRE XX. SENS MYSTIQUE DE CES PAROLES : « QUE LES EAUX PRODUISENT LES REPTILES ET LES OISEAUX ( Gen. I, 20). »
26. Que la mer conçoive aussi, qu’elle enfante vos oeuvres, et que les eaux produisent les reptiles des âmes vivantes! Car en séparant le pur de l’impur, vous êtes devenus la bouche de Dieu ( Jérém. XV, 19), et c’est par vous qu’il dit : « Produisent les eaux, » non pas des âmes vivantes, productions de la terre; « mais des reptiles d’âmes vivantes, et les oiseaux qui volent au-dessus de la terre ! » Ces reptiles, mon Dieu, sont vos sacrements qui, par les oeuvres des saints, se sont glissés à travers les flots des tentations du siècle, pour régénérer les peuples dans le baptême en votre nom.
Et ainsi se sont produites de grandes merveilles, « semblables aux baleines monstrueuses, » et les voix de vos messagers ont plané sur la terre et sous le ciel de votre Ecriture, autorité protectrice, qui s’étend partout où leur vol se dirige. «Et ce ne sont pas de sourds et vains accents que leurs paroles; toute la terre en a été l’écho; elles ont atteint les extrémités du monde ( Ps. XVIII, 4, 5) » car votre bénédiction, Seigneur, les a multipliées.
27. Mais n’est-ce pas erreur? et ne confondrais-je pas les connaissances claires qui résident au firmament, et les oeuvres corporelles qui s’opèrent sous ce firmament au sein orageux de la mer? Non; car ces mêmes connaissances, qui demeurent dans la fixité de leur certitude, et sans s’accroître par génération, comme les lumières de la sagesse et de la science, exercent cependant dans l’ordre réel une action différente et multiple, dont votre bénédiction féconde encore et multiplie les effets. O Dieu, vous nous consolez de l’infirmité de nos sens mortels, en permettant qu’une vérité, notion simple dans l’esprit, emprunte aux signes corporels, plus d’une figure, plus d’une expression.
Voilà les productions des eaux, mais grâce à votre parole; productions nées de la misère des peuples devenus étrangers à votre vérité éternelle; productions que les eaux ont fait jaillir de leur sein, comme un remède dont votre Verbe adoucissait leur languissante amertume.
28. Et toutes vos oeuvres sont belles, car elles sortent de votre main; mais que vous êtes incomparablement plus beau, divin auteur, du monde! Oh! si Adam ne se fût point détaché de vous, ses flancs n’eussent pas été la source de cet océan amer, de ce genre humain, curiosité sans fond, éternel orage de superbe, flot de mobilité! Et alors les dispensateurs de votre vérité n’auraient pas eu besoin d’employer au sein des ondes tant de signes sensibles et (509) corporels, tant de paroles symboliques, tant d’opérations mystérieuses.
Ce sont là, suivant moi, ces reptiles, ces oiseaux qui s’insinuent parmi les hommes pour les initier et les soumettre aux symboles sacramentels. Mais ils ne pourraient aller au delà, si votre Esprit n’élevait la voix de leur âme à un degré supérieur, et si leur coeur, après les paroles du premier échelon, n’aspirait au faîte de l’échelle sainte.
