CHAPITRE XVII. COMMENT ON PEUT ENTENDRE LA CRÉATION DE LA MER ET DE LA TERRE (Gen. I, 9, 11).
20. Quelle main a rassemblé en un même corps ces eaux d’amertume? Elles tendent toutes et toujours à une même fin : le bonheur du temps et de la terre, malgré la diversité et l’agitation de leurs courants. Quel autre que vous, Seigneur, a dit aux eaux de se réunir en un même lieu? Quel autre que vous a fait surgir la terre aride et altérée de votre grâce? Seigneur, « cette mer est à vous; elle est votre ouvrage; et cette terre aride a été formée par vos mains (Ps. XCIV, 5). » Ce n’est point l’amertume des volontés, mais la réunion des eaux, qui a reçu le nom de mer. Car vous réprimez aussi les mauvaises passions des âmes; vous fixez les limites qu’il leur est défendu de franchir; enceinte puissante où leurs flots se brisent sur eux-mêmes (Job XXXVIII, 10, 11); et vous formez ainsi la mer du monde, et vous la gouvernez selon l’ordre de votre empire absolu sur toutes choses.
21. Mais ces âmes altérées de vous, présentes à vos regards, et séparées, pour une autre fin, de l’orageuse société de la mer, elles sont la Terre, que vous arrosez d’une eau mystérieuse et douce, pour qu’elle porte son fruit. Et cette terre fructifie, et docile au commandement du Seigneur, son Dieu, notre âme germe des oeuvres de miséricorde, « selon son espèce, » l’amour et le soulagement du prochain dans les nécessités temporelles ; et ces fruits conservent la semence qui doit reproduire leur principe: car c’est du sentiment de notre misère que procède notre compassion pour l’indigence, et nous porte à la soulager comme nous voudrions l’être nous-mêmes dans une semblable détresse. Et il ne s’agit. pas seulement d’une germination légère, d’une assistance facile, mais de cette végétation forte, de ce patronage héroïque de la charité, qui étend ses rameaux fructueux pour soustraire au bras du fort la faible victime, en l’abritant sous l’ombrage vigoureux de la justice.
