78.
Que personne ne nous trompe; tout ce qui est justement blâmé est rejeté en comparaison de ce qui est meilleur1.
Or toute créature, fût-elle la dernière, la moins digne de notre estime, est encore préférable au néant : de plus on n'est jamais bien, tant qu'il est possible d'être mieux. Si donc il nous est donné de pouvoir jouir de la vérité même, il ne convient pas de nous arrêter sur quelques-unes de ses traces, et bien moins encore sur ses derniers vestiges en nous attachant aux plaisirs de la chair. Ainsi domptons les séductions et les douleurs de cette passion. Si nous sommes hommes, soumettons cette femme. Sous notre conduite elle deviendra meilleure, et perdra le nom de passion pour prendre celui de tempérance. Car si elle nous conduit et nous impose ses volontés, elle s'appelle passion et débauche, et nous, légèreté et folie. Suivons le Christ notre chef, afin d'être suivis à notre tour par celle dont nous sommes le chef. Ce commandement peut être adressé également aux femmes, non par droit marital, mais par droit fraternel; car en vertu de ce droit il n'y a dans la société du Christ ni homme ni femme. Celles-ci ont reçu également quelque chose de viril, pour dompter l'attrait des voluptés efféminées, pour servir le Christ et commander à la passion. C'est le spectacle que présentent depuis la formation du peuple chrétien une foule de vierges et de veuves, beaucoup de femmes soumises au mariage, mais sachant en observer les devoirs dans l'union fraternelle. Quant à cette partie de nous-mêmes que Dieu nous commande de dominer, sur laquelle il nous excite et nous aide à rétablir notre autorité, si par négligence ou par impiété, l'homme, c'est-à-dire l'esprit et la raison, se laisse dominer par elle, quelle honte et quelle indignité 1 Mais il mérite dans cette vie et il obtiendra réellement dans l'autre la destinée et la place que juge convenable le Maître suprême, le Souverain Seigneur. Ainsi donc il n'est aucune difformité qui souille l'univers considéré dans son ensemble.
Rétract. ch. 13, n. 8 ↩
