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Socrate cependant est plus hardi que les autres; il jure par le nom d'un chien, d'une pierre, de tout ce qui lui vient à la pensée ou lui tombe sous la main. Il a compris sans doute que toute production naturelle créée par la divine providence est bien préférable à l'ouvrage des hommes, aux travaux des artistes les plus habiles, plus digne aussi des honneur; divins que les statues adorées dans les temples: Il n'enseigne pas qu'une pierre, un chien doivent être adorés des sages, mais il veut faire comprendre à quel degré d'abaissement en sont venus les hommes; si les plus éclairés sont honteux de l'imiter, ils doivent trouver plus condamnable encore l'égarement de la multitude; et ceux qui enseignent que ce monde visible et le Dieu suprême comprendront l'absurdité d'une doctrine dont la conséquence rigoureuse est de faire adorer une pierre comme une faible portion de la divinité. Ont-ils horreur de cette conséquence ? ils doivent abandonner leur opinion et chercher à connaître le Dieu unique, élevé seul au-dessus de nos âmes, créateur du monde entier et de tout ce qui a vie dans le monde.
Après lui vint Platon, écrivain plus élégant que persuasif. Ces hommes, il est vrai, n'étaient pas nés pour amener leurs peuples au vrai culte du vrai Dieu, pour leur faire abandonner les superstitions païennes et les vaines idées du monde. Aussi Socrate lui-même adorait les idoles avec la multitude; après sa condamnation et sa mort, personne n'osa plus jurer comme lui par le nom d'un chien, ni donner à une pierre le nom de Jupiter, on s'est contenté de confier à la tradition et aux lettres le souvenir de ces actes. Etait-ce par crainte des châtiments ou pour suivre les idées de leur époque, que ces hommes agissaient ainsi ? Il ne m'appartient pas de le décider.
