51.
Tous ceux qui, aux temps du peuple charnel, ont mérité de s'élever jusqu'à la lumière de l'homme intérieur, ont pour leur part aidé le genre humain, soit en lui enseignant ce que leur époque exigeait, soit en lui faisant pressentir parles prophéties ce qu'il n'était pas temps encore d'expliquer. Tels apparaissent les patriarches et les prophètes, aux yeux de ceux qui n'attaquent point en enfants1, mais traitent avec un soin pieux les grands et utiles mystères des choses divines et humaines. C'est ce qu'aux temps mêmes du peuple nouveau je vois pratiqué encore avec la plus sage prudence par de grands esprits, par des hommes spirituels, enfants de l'Eglise catholique.
Ils prennent garde de rendre public ce qu'ils savent ne devoir pas encore enseigner au peuple. Appliqués à distribuer largement le lait de la doctrine à la multitude des faibles, ils se nourrissent eux-mêmes, avec quelques sages, d'aliments plus solides. Avec les parfaits, ils parlent le langage de la sagesse; avec l'homme charnel et animal , c'est-à-dire avec l'homme nouveau encore dans l'enfance, ils voilent quelques vérités, sans jamais enseigner l'erreur; car au lieu de rechercher des honneurs vains, d'inutiles éloges, ils se consacrent tout entiers au bonheur de ceux au milieu desquels ils ont mérité de faire société pour cette vie, et c'est une loi de la divine providence, que dans la recherche et l'acquisition de la grâce divine, nul n'est aidé par ses supérieurs, s'il ne donne à ses inférieurs le même amour et le même soutien. Ainsi, même après ce péché que notre nature contracta par le péché du premier homme, le genre humain est devenu la gloire et l'ornement de ce monde ; et telle est sur lui l'action sage de la divine providence, que le remède ineffable appliqué à notre corruption, a changé la laideur de nos vices en je ne sais quelle splendeur nouvelle.
Les Manichéens. ↩
