XLVIII.
« En effet, ce qui était impossible à la Loi, parce qu'elle était affaiblie par la chair, Dieu, ayant envoyé son Fils dans une chair semblable à celle du péché, a, par le péché, condamné le péché dans la chair, afin que la justice de la Loi s'accomplît en nous, quine marchons point selon la chair, mais selon l'esprit 1. » Ici l'Apôtre enseigne d'une manière évidente, que si ces mêmes préceptes de la loi n'étaient pas accomplis, quoiqu'ils eussent dû l'être, c'est que ceux à qui la Loi avait été donnée avant la grâce, étaient uniquement passionnés pour les biens sensibles; c'est là qu'ils cherchaient tout leur bonheur; ils rte tremblaient que lorsqu'ils étaient menacés de les perdre; et pour prévenir ou réparer un revers de fortune, ils s'écartaient sans peine des préceptes de la Loi. La Loi était ainsi affaiblie en ce que ses préceptes n'étaient pas accomplis; et assurément ce n'est pas elle qu'il faut en accuser, mais bien la chair, c'est-à-dire ces hommes passionnés pour les biens de la chair et sans amour pour la justice de la loi, à laquelle ils préféraient les avantages temporels. Pour cette raison donc, notre Libérateur et Seigneur Jésus-Christ, prenant une chair mortelle, l'a choisie semblable à celle du péché. La mort, il est vrai, n'est due qu'à celle-ci ; la mort du Seigneur, fut donc un bienfait de sa part et non pas le paiement d'une dette. L'Apôtre cependant appelle péché la chair mortelle que s'est unie Jésus-Christ, quoiqu'elle ne fût pas sujette au péché, parce que étant immortelle elle pèche en quelque sorte en subissant la mort. Aussi, dit encore Saint Paul, « Dieu a par le péché; condamné le péché dans la chair. » En effet la mort du Seigneur a dissipé la crainte de la mort; elle a appris aux hommes à ne plus se passionner pour les biens temporels, à ne plus redouter les maux de la vie présente : double effet de cette prudence de la chair, qui ne leur permettait pas d'accomplir les préceptes de la Loi. Or, cette prudence une fois détruite et anéantie dans l'Homme-Dieu, on accomplit la justice de la Loi en ne marchant plus selon la chair, mais selon l'esprit. Ainsi se réalise complètement cette parole : « Je ne suis pas venu abolir la loi, mais l'accomplir 2; » et cette autre de saint Paul : « La charité est donc la plénitude de la Loi 3; » cette charité qui appartient à ceux qui vivent selon l'esprit, et qui est une grâce de l'Esprit-Saint. En effet quand l'amour de la justice ne régnait pas encore, mais la crainte, la Loi n'était pas accomplie.
