4.
Pour mettre en contradiction la loi ancienne avec l'Evangile, Adimantus, afin de mieux en imposer aux ignorants, allègue ces paroles de Notre-Seigneur : « Personne n'est bon si ce n'est Dieu seul » ; mais s'il s'agissait de citer, dans l'Ancien Testament, tous les témoignages qui exaltent la bonté de Dieu, qui pourrait y suffire? Contentons-nous de celui-ci que l'Eglise met chaque jour sur les lèvres de ses disciples : « Confessez que le Seigneur est bon et que sa miséricorde s'étend dans tous les siècles1 ». De telles paroles ne s'accordent guère avec l'idée que les Manichéens se font d'un Dieu jaloux, et cependant elles se trouvent dans l'Ancien Testament. Et ce roi qui, en célébrant les noces de son fils, rencontre parmi ses hôtes un convive qui ne porte pas le vêtement nuptial, après lui avoir donné le nom d'ami, ne l'entendez-vous pas ordonner qu'on lui lie les pieds et les mains et qu'on le jette dans les ténèbres extérieures2? Pour peu que l'on donne à cette parabole une fausse interprétation, ce roi paraîtra difficilement bon. Si dès lors il plaisait à chacun d'opposer tel ou tel chapitre de l'Evangile ; s'il accusait calomnieusement l'Evangile, comme Adimantus le fait pour l'Ancien Testament ; s'il prodiguait ses éloges à l'Ancien Testament parce qu'il y trouve des paroles comme celles-ci : « Confessez que le Seigneur est bon, et que sa « miséricorde s'étend dans tous les siècles » ; si, au contraire, il maudissait le Nouveau, parce qu'il y voit un convive, appelé au festin, précipité tout à coup dans un affreux supplice parce qu'il n'a pas le vêtement convenable; si enfin poursuivant cette perversité frauduleuse il mettait en opposition les passages de l'Ancien Testament, d'où s'exhale la bonté, avec ceux du Nouveau qui respirent la sévérité, combien ne trouverait-il pas d'ignorants qui resteraient persuadés que l'Ancien Testament l'emporte sur le Nouveau? Quant aux Manichéens, c'est le contraire qu'ils font; pour mieux couvrir de mépris l'Ancien Testament, ils le mettent en opposition avec le Nouveau; mais comment donc ne supposent-ils pas qu'il y a des hommes qui lisent ces deux Testaments, les comprennent avec le secours de la grâce, et les trouvent dignes d'éloge ? Conséquemment ces lecteurs ne peuvent que gémir sur la fraude et la malice des Manichéens comme hommes, s'en défier entant qu'ils sont hérétiques, et se rire de leur ignorance et de leur orgueil.
