11.
1 Pour infirmer l'absolue nécessité du baptême, on avait cité le fait du bon larron qui confessa la divinité de Jésus-Christ sur la croix avant d'avoir offert sa vie en sacrifice à l'exemple du Sauveur. Or, saint Cyprien range ce bon larron au nombre des martyrs qui sont baptisés dans leur propre sang, comme il est arrivé à plusieurs, pour qui les bourreaux ont été plus pressés que les ministres du baptême. A ses yeux le bon larron, confessant la divinité de Jésus-Christ sur la croix, fit un acte aussi méritoire que s'il avait été réellement crucifié pour Jésus-Christ. Le bois de la croix, devant lequel la foi des disciples s'était desséchée, fit réellement fleurir la sienne, sans attendre que les gloires de la résurrection vinssent renouveler, comme elles le firent pour les Apôtres, ce que les terreurs de sa mort avaient détruit. Les Apôtres avaient désespéré de leur maître mourant, le bon larron espéra en celui qui partageait son dernier supplice; les Apôtres abandonnèrent l'auteur de la vie, le bon larron pria celui dont le châtiment lui était commun; les Apôtres pleurèrent sa mort comme on pleure la mort d'un homme ordinaire, le larron crut que cette mort serait suivie d'une prompte résurrection; les Apôtres quittèrent celui qui leur avait promis le salut, le larron adora celui qui lui était associé dans le supplice de la croix. N'eut-il donc pas tout le mérite d'un martyr, celui qui crut en Jésus-Christ au moment où ceux qui devaient être martyrs sentirent leur foi défaillir? C'est ainsi du moins qu'en jugea le Sauveur lui-même, puisque, sans exiger que ce larron eût reçu le baptême, et le croyant entièrement purifié par une sorte de martyre, il lui promit la possession du bonheur éternel2. Qui de nous d'ailleurs n'admirerait pas la foi, l'espérance, la charité avec lesquelles il chercha la vie dans un mourant, et avec lesquelles, à plus forte raison, il aurait pu accepter la mort pour Jésus-Christ vivant? L'on a dit enfin, et rien ne s'y oppose, que ce larron, animé d'une foi si vive et suspendu tout près du Sauveur crucifié, avait été purifié par l'eau mystérieuse qui jaillit du côté entr'ouvert de Jésus-Christ et qui lui servit de baptême. Et puis nous ne pouvons savoir si, avant de subir sa condamnation, ce larron n'avait pas été baptisé; je garderai donc le silence sur ce point. On est libre d'en penser ce que l'on voudra, pourvu ensuite qu'on ne s'appuie pas sur l'exemple de ce bon larron pour infirmer la nécessité du baptême, proclamée par le Sauveur; pourvu qu'on n'établisse pas pour les enfants morts sans baptême je ne sais quel séjour de bonheur, tenant le milieu entre la damnation et le royaume des cieux. En effet, l'hérésie pélagienne n'a pas reculé devant cette hypothèse, et en cela elle était conséquente avec elle-même ; car, n'admettant aucun péché originel dans les enfants, elle n'avait pas à craindre pour eux la damnation; d'un autre côté, elle ne leur promettait le royaume des cieux qu'à la condition qu'ils recevraient; le sacrement de baptême. Quant à notre adversaire, tout en proclamant que les enfants sont coupables du péché originel, il a bien osé promettre le royaume des cieux à ceux mêmes qui meurent sans baptême ; les Pélagiens avaient reculé devant une telle hardiesse, quoiqu'ils n'admissent pas l'existence du péché originel. De là vous pouvez juger des liens étroits où l'enserre sa présomption, à moins qu'il ne rétracte ce qu'il a écrit.
