19.
Remarquons aussi que le mot grec qui nous occupe en ce moment est diversement interprété par les Latins; on le traduit alternativement par souffle, esprit et inspiration.
Voici par exemple une suite de passages dans lesquels le texte grec reproduit exactement le même terme, tandis que le latin s'exprime de trois manières différentes : « C'est Dieu qui donne le souffle au peuple sur la terre ; Dieu souffla sur la face de l'homme le souffle de la vie1 ». Que tout « esprit » loue le Seigneur2 ; c'est l'aspiration du Tout-Puissant qui nous « instruit ». On ne saurait douter qu'il ne s'agisse ici du Saint-Esprit lui-même, car il était question de savoir à quelle source les hommes puisent la sagesse, et voici la réponse : « Elle ne provient pas du nombre des années, mais de l'esprit qui est dans les hommes; car c'est l'aspiration du Tout-Puissant qui nous instruit ». Cette répétition n'avait-elle pas pour but de prouver que ce n'était point de l'esprit même de l'homme qu'il parlait quand il disait : « L'Esprit est dans l'homme? » Pour mieux prouver que ce n'est pas des hommes eux-mêmes que leur vient la sagesse, l'auteur ne fait que répéter sa pensée sous une autre forme, en disant
C'est l'aspiration du Tout-Puissant qui nous instruit3 ». Nous lisons un peu plus loin, toujours dans le même livre . «L'intelligence de mes lèvres comprend ce qui est pur; et si c'est l'Esprit divin qui m'a créé, c'est aussi l'aspiration du Tout-Puissant qui m'enseigne4 ». Dans le texte grec une seule expression reste employée, le mot souffle. Il y aurait donc une grande témérité à ne pas appliquer à l'âme de l'homme ou à l'esprit de l'homme ces paroles : « C'est Dieu qui donne le souffle au peuple de la terre, et l'esprit à ceux qui la foulent aux pieds », quoique le sens immédiat semble désigner plutôt l'Esprit-Saint lui-même. Mais comment soutenir que dans ce passage le Prophète a formellement enseigné que si c'est de Dieu que nous recevons l'âme ou l'esprit, principe de vie en nous, ce n'est pas par voie de génération que cette âme nous est donnée ? La seule conclusion que l'on devrait chercher à tirer, ne serait-ce point de savoir si Dieu ne donne pas à l'homme son âme par voie de génération, comme c'est par voie de génération qu'il donne lui-même un corps, non-seulement à l'homme et à l'animal, mais encore au grain de froment et à toutes les plantes ; ou, s'il la créé immédiatement et par un souffle nouveau, comme il l'a fait pour le premier homme?
