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«Mais», ajoute notre adversaire, «quand l'Apôtre s'écrie que Dieu donne à tous la vie et l'esprit; quand il affirme que Dieu a fait d'un seul sang le genre humain1, ne proclame-t-il pas que nous recevons directement de Dieu l'âme et l'esprit, tandis que le corps nous est transmis par la génération ? » Celui qui ne veut pas s'exposer à nier témérairement la transmission des âmes, avant d'être assuré qu'elle existe ou qu'elle n'existe pas, doit comprendre tout d'abord que, en disant que Dieu a fait tout le genre humain d'un seul sang ou d'un seul homme, l'Apôtre parle évidemment eu figure et prend la partie pour le tout. En effet, si notre adversaire se croit autorisé à prendre la partie pour le tout dans ce texte de la Genèse: « L'homme a été fait âme vivante2 », afin de pouvoir l'appliquer à l'esprit, quoique l'Ecriture garde sur ce point le plus profond silence; pourquoi les autres n'auraient-ils pas le même droit par rapport à ces autres paroles : « D'un seul sang », afin de pouvoir les appliquer à l'âme et à l'esprit aussi bien qu'à la chair, car l'homme dont il est parlé dans ce texte est composé tout à la fois et d'un corps et d'une âme. Celui qui soutient la transmission des âmes par voie de génération, ne doit point se flatter d'accabler son adversaire en lui citant cette parole dite du premier homme : « En qui tous ont péché3» ; et non pas : en qui toute chair a péché. Tous, c'est-à-dire tous les hommes ; or, l'homme n'est pas seulement un corps, il est encore une âme, d'où il suit que ce n'est pas seulement selon la chair que l'on doit interpréter cette parole : Tous les hommes. De même notre adversaire ne doit point se flatter d'accabler les partisans de la transmission des âmes, en leur citant cette parole : « Tout le genre humain a été formé d'un seul sang », comme si cette parole affirmait clairement que la chair est seule transmise par voie de génération. S'il était vrai que l'âme ne vînt pas de l'âme, et que la chair seule vînt de la chair, ces mots : « D'un seul sang », ne signifieraient plus l'homme tout entier, mais seulement une partie, c'est-à-dire la chair, et la chair d'un seul homme; quant à ces autres paroles : « En qui tous ont péché », elles désigneraient uniquement la chair, puisqu'elle est seule transmise par voie de génération ; de cette manière l'Ecriture aurait pris le tout pour la partie. Dans l'hypothèse en vertu de laquelle l'homme tout entier, c'est-à-dire le corps, l'âme l'esprit, se transmet par la génération, ces mots : « En qui tous ont péché », conservent toute leur valeur littérale, tandis que ceux-ci : « D'un seul sang », sont une figure dans la quelle le tout est signifié par la partie, c'est-à-dire tout l'homme formé d'un corps et d'une âme, ou, pour parler comme notre adversaire, d'un corps, d'une âme et d'un esprit. Dans le langage de l'Ecriture nous trouvons en effet très-souvent ce genre de figure qui consiste à prendre le tout pour la partie, ou la partie pour le tout: « Toute chair viendra vers vous4 » ; ici la partie est prise pour le tout, car la chair désigne clairement l'homme tout entier. Au contraire, on prend le tout pour la partie, quand on dit que Jésus-Christ a été enseveli, car son corps seul a été enseveli. Si donc nous revenons au texte de l'Apôtre : « Dieu donne à tous la vie et l'esprit », en l'interprétant selon les règles précédentes, toutes les difficultés disparaissent. C'est Dieu qui donne ; mais nous demandons de quel principe il fait sortir ce qu'il donne : est-ce d'un souffle nouveau, est-ce par voie de génération? Sommes-nous dans l'erreur, quand nous disons que c'est Dieu lui-même qui donne la substance de la chair? Et cependant il est certain qu'il ne nous la donne que par voie de génération.
