27.
Je ne saurais m'expliquer pourquoi les textes de l'Ecriture dont il nous parle sont lus par lui avec une telle inadvertance que Dieu apparaît comme le Créateur, non pas du corps de l'homme, mais seulement de son âme et de son esprit. L'Apôtre a dit d'une manière absolue: « Nous sommes l'oeuvre de Dieu1 » ; et Vincent Victor soutient que ce n'est point par notre corps que nous sommes l'œuvre de Dieu, mais seulement par notre âme et par notre es. prit. Si nos corps n'ont pas été créés par Dieu, les paroles suivantes ne sont plus qu'un mensonge : « Tout est de lui, tout est par lui, tout est en lui2 ». Le même Apôtre nous dit ailleurs : « Comme la femme a été tirée de l'homme, ainsi l'homme naît de la femme». Que notre adversaire nous explique de quelle transmission il est question dans ce texte; est-ce de l'âme, ou du corps, ou de l'un et l'autre à la fois ? Quant à l'âme, il ne veut pas qu'elle nous soit transmise par voie de génération. Si donc nous l'en croyons, lui et tous ceux qui partagent son opinion, nous devrons conclure que ces mots de l'Apôtre : « Comme la femme a été tirée de l'homme, ainsi l'homme naît de la femme », s'appliquent uniquement au corps masculin et féminin, et que c'est uniquement sous ce rapport que la femme a été tirée de l'homme, et que l'homme naît de la femme. Mais si l'Apôtre ne voulait parler que du corps particulier à chacun des deux sexes, pourquoi donc ajoute-t-il aussitôt : « Et toutes choses viennent de Dieu3 », si ce n'est pour nous rappeler que nos corps eux-mêmes sont l'œuvre de Dieu ? « Comme la femme a été tirée de l'homme, ainsi l'homme naît de la femme, et toutes choses viennent de Dieu » : telles sont les propres paroles de saint Paul. Que notre adversaire se prononce sur la portée de ces paroles. Si elles s'appliquent uniquement aux corps, il est certain que nos corps viennent de Dieu; et alors il n'est plus possible, devant ce texte de l'Ecriture, de soutenir que notre âme seule et non point notre corps, est l'œuvre de Dieu. Mais si elles s'appliquent tout à la fois et au corps des deux sexes et à l'âme, il faut en conclure que la femme a été tirée de l'homme, selon sa personne tout entière. « Car la femme a été tirée de l’homme, l'homme naît de la femme et toutes choses viennent de Dieu ». Ce collectif général: « toutes choses », ne se rapporte-t-il pas à tout ce dont l'Apôtre parlait, c'est-à-dire à l'homme dont est tirée la femme, à la femme qui donne naissance à l'homme, et à l'homme lui-même qui naît de la femme? L'homme qui est né de la femme n'est pas celui duquel la femme a été tirée, mais celui qui plus tard est né de l'union de l'homme et de la femme, selon l'ordre toujours subsistant. Par conséquent, si dans ces paroles l'Apôtre voulait parler des corps, il n'est plus douteux que le corps de l'homme et de la femme soit l'œuvre de Dieu. Et si notre adversaire restreint l'œuvre actuelle de la création divine à l'âme et à l'esprit, il reste prouvé que c'est selon son âme et son esprit que la femme a été tirée de l'homme, et ceux qui combattent la transmission des âmes par voie de génération n'ont plus qu'à garder le plus profond silence. Enfin si notre adversaire distingue entre le corps et l'âme, et soutient que selon son corps la femme a été tirée de l'homme, tandis que selon son âme elle est sortie de Dieu, comment resteront vraies ces paroles de l'Apôtre : « Toutes choses viennent de Dieu », si le corps de la femme est tellement l'œuvre de l'homme qu'il ne soit nullement l'œuvre de Dieu ? Ayant donc à choisir entre l'Apôtre et lui, je me range sans hésiter du côté de l'Apôtre, et je dis: La femme a été tirée de l'homme, ou bien uniquement selon son corps, ou. bien à la fois selon son corps et son âme; toutefois je ne fais qu'énoncer ces deux propositions sans me prononcer d'une manière certaine ni pour l'une ni pour l'autre. Quant à l'homme, ou bien il naît de la femme selon son corps et son âme, ou bien selon son corps seulement ; et ici encore je laisse la question à discuter; cependant toutes choses viennent de Dieu, c'est-à-dire, tout à la fois le corps et l'âme soit de l'homme, soit de la femme ; et sur ce point il n'y a plus à discuter. Car en disant que toutes choses viennent de Dieu nous entendons soutenir qu'elles sont l'œuvre de Dieu et non pas qu'elles sont une manifestation, une effusion, une émanation de la nature de Dieu. Pour qu'elles viennent de lui, qu'elles aient reçu l'être de lui, il suffit qu'elles aient été créées et faites par lui.
