2.
Toutefois je regrette vivement de n'être point encore connu de votre sainteté, comme je voudrais l'être. En effet, ne craigniez-vous pas de m'offenser, en me faisant connaître les injures dont un écrivain daignait me couvrir? Mais de tels sentiments me sont tellement étrangers que je n'aurai même pas la pensée de me plaindre des outrages que j'aurai pu recevoir de la part de cet auteur. Puisque sur certains points il ne partageait pas mes idées, pourquoi se serait-il condamné au silence ? Je déclare donc sincèrement que je lui sais gré d'avoir parlé, puisqu'il m'est donné de lire ses écrits. Sans doute, c'est à moi-même directement qu'il aurait dû s'adresser, plutôt que de m'accuser auprès d'un tiers; mais comme il m'était inconnu, il n'aura point osé engager avec moi la réfutation de mes écrits. Il n'a même pas jugé nécessaire de me consulter, parce qu'il se croyait bien sûr de toutes les opinions qu'il émettait. Enfin, je lui tiens compte d'avoir agi pour plaire à un ami qui l'aurait forcé à prendre la plume. Supposé donc que, dans la chaleur du discours, il lui soit échappé quelques paroles blessantes pour moi, je crois que l'injure était loin de sa pensée et qu'il n'a fait qu'obéir à l'énergie d'opinions directement opposées aux miennes. En effet, dès qu'un homme qui m'est inconnu se pose mon adversaire, je reste persuadé que sa pensée vaut mieux que son langage, et qu'avant d'accuser il est profondément convaincu. Peut-être même qu'il n'a voulu agir que dans mon intérêt, car il savait fort bien que ses écrits parviendraient jusqu'à moi; je comprends dès lors qu'il se soit refusé à me sentir dans l'erreur sur une matière dans laquelle il se croyait en possession de la vérité. Dès lors, tout en repoussant ses opinions, je dois lui savoir gré de sa bienveillance, voilà pourquoi je le réfuterai avec douceur, au lieu de le reprendre avec amertume; je m'y crois d'autant plus obligé qu'il est rentré depuis peu dans la communion catholique, et je l'en félicite. En effet, j'apprends qu'il vient de quitter la secte des Donatistes ou plutôt des Rogatistes ; et s'il veut que sa conversion nous procure une joie véritable, il doit comprendre et embrasser courageusement la vérité catholique.
