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Je commence par signaler les principales erreurs qui se rencontrent dans sa discussion. Il soutient, et il a raison, que l'âme a été créée par Dieu, et qu'elle n'est ni une partie ni la nature de Dieu ; mais comme il ne veut pas qu'elle ait été tirée du néant, et qu'il ne cite aucune créature d'où l'âme ait pu être créée, on .est amené nécessairement à conclure que c'est de sa propre nature que Dieu a tiré l'âme, puisqu'il ne l'a tirée ni du néant f d'aucune autre créature. Vincent croit avoir échappé à cette conclusion et ne sait pas qu'elle découle naturellement de ses principes; en sorte que l'âme ne serait autre chose que la substance même de Dieu. Il suivrait de là que Dieu se serait servi de sa propre nature pour faire quelque chose, et que le créateur de cette chose en aurait été lui-même la matière ; par conséquent, la nature de Dieu aurait été soumise au changement, et condamnée par Dieu lui-même à déchoir de son état d'immutabilité primitive et absolue. Votre intelligence est trop droite et trop fidèle pour ne pas comprendre aussitôt qu'une telle doctrine est directement contraire à la foi, et comme telle doit être énergiquement repoussée. Dira-t-on que cette âme a été faite du souffle de Dieu, ou que ce souffle de Dieu est devenu l'âme, et qu'ainsi l'âme n'est point créée de Dieu, mais du néant par Dieu ? Quand un homme souffle, il ne tire pas son souffle du néant, puisqu'il ne fait que rendre à l'air environ nant ce qu'il en a tiré. On supposerait donc que Dieu aurait été environné d'air, qu'il en aurait aspiré une certaine quantité, qu'il aurait ensuite expiré quand il souffla sur la face de l'homme, et de cette manière lui créa une âme. Dans cette hypothèse le souffle de Dieu pourrait n'être plus une partie de lui. même, mais une quantité plus ou moins grande de l'air ambiant qui l'entourait. Mais loin de nous la pensée seule de nier que Dieu ait pu tirer du 'néant le souffle de vie qui constituait l'homme une âme vivante ! Loin de nous ces cruelles angoisses au sein desquelles nous serions réduits à penser, ou bien que Dieu a eu besoin d'autre chose que lui-même pour en former ce souffle, ou bien que c'est de sa propre nature qu'il a formé cette âme que nous voyons essentiellement sujette au changement ! Tout ce qui est fait de lui doit nécessairement participer à sa nature et être essentiellement immuable. Or, tous conviennent que notre âme est sujette au changement; elle n'est donc point faite de la nature de Dieu, puisque Dieu est essentiellement immuable. Si donc notre âme n'a été tirée d'aucune autre nature, elle a été nécessaire ment tirée du néant et créée par Dieu.
