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Mais peut-on tolérer, dans son second livre, le mode de solution qu'il essaie de donner à la difficile question du péché originel, en ce qui concerne le corps et l'âme, si l'on suppose que l'âme ne nous est pas transmise par voie de génération, mais est en nous le résultat immédiat d'un nouveau souffle de Dieu? Voici donc la voie qu'il propose pour dénouer cette profonde et fatigante question : « Ce n'est point sans une raison bien sage que l'âme recouvre par la chair l'ancienne habitude qu'elle semblait avoir insensiblement perdue par la chair; et c'est ainsi qu'elle commence à renaître par la chair, comme c'est par elle qu'elle avait mérité d'être souillée ». Que pensez-vous de 1a présomption d'un homme qui ose braver la profondeur du précipice et décider que c'est par la chair que l'âme a mérité d'être souillée? Peut-il donc nous expliquer comment l'âme, avant d'être unie à la chair, avait mérité d'être souillée par elle ? En effet, si c'est par la chair que l'âme a mérité la souillure du péché, qu'il nous dise, s'il le peut, comment l'âme avant son péché a mérité d'être souillée par la chair. Ce triste droit d'être jetée dans une chair coupable pour en contracter la souillure, ou bien lui venait de sa nature, ou bien, ce qui serait pire encore, elle l'avait reçu de Dieu. On ne nous dira pas, je pense, que ce droit elle le tenait de la chair dès avant de lui être unie, et que c'est par elle qu'elle a mérité d'être jetée dans la chair pour en contracter la souillure. Si ce droit elle le tient d'elle-même, comment peut-elle l'avoir acquis, puisque avant son union avec la chair elle n'avait commis aucune faute ? L'aurait-elle donc reçu de Dieu ? Mais c'est là un blasphème que personne ne tolérera et que l'on ne saurait émettre impunément. Je ne demande pas ici quelle faute l'âme a pu commettre depuis son union avec la chair, pour mériter d'être condamnée; mais comment, avant d'être unie à la chair, elle a pu mériter d'être unie à la chair pour en contracter la souillure. J'attends une réponse de la part de celui qui a osé dire que l'âme avait mérité d'être souillée par la chair.
