9.
Il à posé des prémisses; la suite y répond-elle ? Ecoutons comment il se pose à lui-même la question : « D'autres opprobres attendent les plaintifs murmures des crieurs médisants ; et alors, semblables à des hommes tombés d'un épais tourbillon, nous roulons tristement au sein de rochers escarpés ». Si je lui appliquais ces paroles, peut-être s'éveillerait en lui le feu de la colère. Ce sont cependant là ses propres paroles ; c'est en ces termes qu'il proposait la question dans laquelle il devait nous dévoiler les rochers contre lesquels il devait faire naufrage et se briser. Ainsi couvert d'horribles meurtrissures, il devait en arriver au point que le salut ne lui serait possible qu'en rétractant son propre langage. Comment, en effet, aurait-il pu préciser en vertu de quel mérite précédent l'âme était devenue pécheresse, et prouver que, avant tout péché de sa part, elle avait mérité de le devenir? Etre conçu dans une iniquité qui nous est étrangère; avant de sortir du sein maternel être déjà coupable de péché; comment donc peut-on mériter une aussi horrible destinée, si ce n'est par le péché ? D'un autre côté, les âmes des enfants régénérés en Jésus-Christ sont délivrées de ce châtiment sans aucun mérite antérieur et par une grâce purement gratuite, car le caractère de toute grâce, c'est d'être gratuite1. J'admire sans doute ce génie profond qui, dans une question aussi difficile, s'indigne de nos hésitations non pas savantes mais prudentes; mais du moins qu'il nous dise, s'il le peut, quel est ce châtiment que l'âme a contracté sans l'avoir mérité, et dont elle est délivrée par la grâce, sans aucun mérite de sa part. Qu'il le dise et qu'il le prouve. Je ne me mon. trerais pas aussi exigeant s'il n'avait pas dit que l'âme a mérité de devenir pécheresse. Le mérite acquis par elle était-il bon ou mauvais? S'il était bon; comment n'a-t il obtenu à l'âme que de tomber dans le mal ? S'il était mauvais, comment l'âme a-t-elle pu le contracter avant tout péché de sa part? J'insiste: si ce mérite était bon, ce n'est pas gratuitement, mais en vertu d'un droit véritable jue l'âme est délivrée par la grâce, puisque cette grâce a été antérieurement méritée; et dès lors cette grâce n'est plus une grâce. Si ce mérite était mauvais, alors quel était-il; l'âme aurait-elle donc mérité de venir dans la chair, dans laquelle elle ne serait pas venue si elle n'y avait été jetée par celui qui est exempt de toute iniquité? A moins donc qu'il ne veuille s'enfoncer toujours plus avant dans l'abîme, jamais votre adversaire n'essaiera de prouver que l'âme a mérité de devenir pécheresse. Quant à ces enfants qui obtiennent dans le baptême la rémission du péché originel, ne lui enseignent-ils pas clairement que la prescience de Dieu ne saurait nuire en quoi que ce soit à ceux qui sont prédestinés à la vie éternelle, à plus forte raison les rendre elle-même coupables d'un péché d'autrui? Ceci toutefois serait encore tolérable, si son langage ne venait pas rendre la difficulté inextricable en disant que l'âme a mérité de devenir pécheresse. Si donc il désire se tirer d'embarras, il n'a qu'un seul parti à prendre, c'est de désavouer ce qu'il a dit.
Rom., XI, 6. ↩
