16.
Il s'agit ici de l'âme d'un enfant qui est mort trop jeune pour avoir pu faire usage de son libre arbitre, et dont l'âme a été jetée dans la chair jusqu'à ce que la mort vînt l'en délivrer. Parce qu'il meurt sans baptême, il est damné; mais quelle peut être la cause de cette damnation, si ce n'est le péché originel? Nous ne nions pas du reste que ce péché ne suffise à lui seul pour mériter à une âme une trop juste condamnation, puisque toute loi doit toujours avoir une sanction. Mais je voudrais que l'on me dît pourquoi l'âme a été condamnée à contracter ce péché, si cette âme ne descend point par voie de génération de ce premier pécheur qui avait été constitué le père du genre humain. D'un autre côté, il est bien établi que Dieu ne damne pas les innocents et qu'il ne rend pas coupables ceux dont il reconnaît la justice; il est également certain que le seul moyen de délivrer les âmes; soit du péché originel, soit des péchés personnels, c'est le baptême de Jésus-Christ tel qu'il a été confié à l'Eglise; il est également certain qu'avant d'être unies à la chair les âmes n'ont pu commettre aucun péché; enfin il est hors de doute qu'une loi juste ne saurait condamner des péchés avant qu'ils fussent commis et surtout qui ne l'ont jamais été. Notre adversaire doit accepter ces quatre propositions. Mais alors qu'il nous explique, s'il le peut, la raison pour laquelle ces âmes, qui seront damnées pour avoir été séparées de leur corps avant d'avoir reçu le baptême, ont pu être jetées dans une chair pécheresse sans avoir mérité ce triste sort par aucun péché antérieur, et réduites à. y contracter un péché qui sera pour elles une cause légitime de damnation. Au nom de la plus rigoureuse équité et de la droite raison, il se refusera certainement à dire, ou bien que Dieu rend pécheresses des âmes qui étaient sans péché; ou bien que le sacrement de Jésus-Christ n'est point nécessaire pour effacer en elles le péché originel ; ou bien qu'elles ont péché dans un état antérieur à leur union avec la chair; ou bien enfin qu'elles sont condamnées pour des péchés dont elles n'ont jamais été coupables. Après avoir rejeté ces quatre propositions qui heurtent en effet le plus simple bon sens, dira-t-il que les enfants ne sont coupables d'aucun péché originel, et que, même en mourant, sans avoir reçu le baptême, ils ne portent en eux aucune cause de damnation? Un tel langage le jetterait immédiatement dans l'hérésie pélagienne et lui en mériterait toutes les condamnations. Pour échapper à cette cruelle alternative, il ferait mieux de s'en tenir à mon hésitation sur l'origine de l'âme, plutôt que de se livrer à des affirmations qui révoltent la raison humaine et que réprouve l'autorité divine; il s'épargnerait ainsi la honte de passer pour un insensé, en se refusant à l'aveu si naturel de son ignorance sur des questions aussi graves.
