V. 2 et 3.
« Et j'ai préféré l'état des morts à celui des vivants; et j'ai estimé plus heureux que les uns et les autres celui qui n'a pas encore vu le jour, et qui n'a point connu par expérience les maux qui se font sous le soleil. » En considérant les misères dont les hommes sont accablés dans cette vie, j'ai estimé plus heureux les morts que les vivants; ce qui s'accorde avec ces paroles de Job où il parle du tombeau « C'est là que les forts, après leur travail et leur lassitude, trouvent leur repos; c'est là que ceux qui étaient autrefois enchaînés ensemble ne souffrent plus aucun mal, et qu'ils n'entendent plus la voix de ceux qui exigeaient d'eux des travaux insupportables. » L'Ecclésiaste dit donc qu'un homme qui n'est pas encore venu au monde est plus heureux que les morts et les vivants, parce que ceux qui sont encore en ce monde sont sujets à une infinité de maux, et que ceux qui sont morts doivent être regardés comme des gens échappés tout nus du naufrage, au lieu que celui qu'on n'a point encore vu naître est exempt de toutes les peines et de toutes les disgrâces de cette vie; mais prenez garde qu'il ne dit pas cela pour nous faire croire qu'on est déjà avant de naître : il veut seulement nous faire connaître qu'il est plus avantageux de n'être point, du tout que d'être misérable et de vivre malheureux. C'est ce que notre Seigneur a dit de Judas, en nous avertissant des tourments qui lui étaient préparés : « Il eût été plus avantageux à cet homme de n'être jamais venu au monde. »
En effet, il aurait été bien plus heureux de n'avoir jamais été que d'être né pour souffrir des supplices éternels.
Il y en a qui donnent un autre sens à ces paroles de Salomon, et ils disent qu'on doit préférer les morts aux vivants parce que, pendant qu'on vit sur la terre, on est exposé à des tentations et à des combats, et qu'on est comme en prison dans ce corps mortel. Les morts au contraire jouissent du repos; ils sont hors de tout danger et ne sont plus sujets au péché. L'Ecriture dit aussi de saint Jean-Baptiste, qui a été plus grand que tous ceux qui sont nés des femmes, que le plus petit du royaume du ciel est plus grand que Jean, parce qu'étant mort, il est délivré des misères du corps et qu'il n'a pas besoin de dire avec l'Apôtre: « Misérable homme que je suis! qui me délivrera de ce corps mortel? »
