V. 9 jusqu'au 12.
« Il vaut donc mieux être deux ensemble que d'être seul, car ils tirent de l'avantage de leur société: si l'un tombe, l'autre le relève. Malheur à celui qui se trouve seul ! car, lorsqu'il sera tombé, il n'aura personne pour le relever. Si deux dorment ensemble, ils s'échauffent l'un l'autre; mais comment un seul s'échauffera-t-il? Si quelqu'un a de l'avantage sur l'un des deux, tous deux lui résistent; un triple cordon ne se rompt pas aisément. » L'Ecclésiaste vient de parler des inquiétudes et des tortures que se donnent les avares pour acquérir de plus en plus des trésors et des richesses; mais en cet endroit il veut faire l’éloge de la société et des avantages qu'on en peut retirer; car, dit-il, lorsque deux amis demeurent ensemble, il n'est point d'accident fâcheux auquel ils ne puissent remédier : si par hasard l'un vient à tomber, l'autre court aussitôt pour le secourir et le relever. On est aussi moins embarrassé de ses affaires domestiques, et l'on repose bien plus tranquillement pendant la nuit quand on sent à son côté un ami fidèle, que quand on se trouve seul et sans compagnon, quoique d'ailleurs environné de biens et de trésors.
S'il arrive même qu'un ennemi fier et plus fort que l'un des deux se jette sur lui, l'autre viendra à son secours, et tous deux ensemble terrasseront celui qui les aurait vaincus l'un après l'autre. Ainsi , comme deux personnes qui s'entr'aiment véritablement valent beaucoup mieux qu'un homme seul , de même aussi l'union et la société de trois personnes est préférable à celle de deux qui demeurent ensemble; et, ce qui est bien remarquable, c'est que la vraie charité, et (amour du prochain qui n'est point infecté de la malignité de l'envie, devient plus fort et plus noble à proportion qu'il croit en nombre d'amis et de frères. Vera etenim caritas et à nullo livore violata, quanto augetur numero , tanto crescit et robore. Ce sens est simple et naturel.
Au reste, comme nous avons déjà remarqué le sentiment de quelques interprètes qui expliquent de Jésus-Christ ces endroits que nous traitons, je crois que nous devons continuer à rapporter leurs expositions dans le même ordre que nous avons fait ci-dessus. « Il vaut mieux être deux ensemble que d'être seul. » Cela veut dire qu'il vaut infiniment mieux avoir Jésus-Christ dans son coeur que d'être exposé seul aux piéges de son adversaire. Cet avantage parait visiblement dans le secours que Jésus-Christ ne manque pas de donner à tous ceux qui sont en société avec lui; car si quelqu'un de ceux-là vient à tomber par surprise, Jésus-Christ aussitôt accourt à son secours et le relève. « Malheur à celui qui est seul! » et qui n'a pas présent le Sauveur pour le relever de ses chutes. De même si le sommeil de la mort enlève quelque fidèle de ce monde, comme il porte Jésus-Christ dans son sein, il a en lui-même un principe de vie qui le réchauffera et le fera ressusciter plus promptement au dernier jour. Enfin, si le démon se présente pour attaquer rudement un serviteur de Jésus-Christ, alors il se joindra à celui qui est attaqué, pour résister tous deux ensemble à ce fier ennemi. Ce n'est pas que la vertu seule de Jésus-Christ ne soit toute-puissante contre le démon; mais c'est pour faire connaître le libre arbitre de l'homme, à qui Dieu le laisse toujours, et pour nous avertir en même temps que Jésus-Christ devient plus fort en ses membres contre le démon lorsque nous concourons à notre propre défense. Non quod solius Christi adversus diabolum virius infirma sit; sed quod liberum homini relinquatur arbitrium, et annitentibus nobis ipse in praeliando fortior fiat.
