V. 5
« L'insensé met ses mains l'une dans l'autre, et il mange sa propre chair. » C'est l'homme paresseux dont il est parlé dans les Proverbes, qui serre sa poitrine avec ses deux mains. La pauvreté vient fondre sur lui comme un cavalier qui va à toute bride, et il est réduit à manger de sa chair à cause de son extrême faim; ce qui est dit ici hyperboliquement. Cet insensé s'estime plus heureux d'avoir un peu d'orge dans le creux de la main, en vivant dans l'oisiveté et dans la paresse, que de s'en remplir les deux mains en travaillant. Tout le raisonnement de l'Ecclésiaste aboutit donc à nous montrer que celui qui fait quelque chose de bon dans ce monde est toujours exposé aux traits de l'envie, et que celui qui ne fait rien et qui vit dans l'oisiveté et dans le repos est en danger d'être accablé de misère et de pauvreté. Ainsi l'un et l'autre sont également malheureux : le premier à cause des dangers où ses biens et ses richesses peuvent l'exposer, et le dernier à cause de la pauvreté qui le talonne à tout moment.
Disons encore que ces paroles regardent en particulier les envieux, puisque celui qui porte envie au bonheur d'un autre, et qui se laisse emporter à la fureur de cette passion, reçoit dans son sein et dans son coeur un vice capital qui dévore son âme et qui tourne sa fureur contre celui qui lui a donné entrée, jusqu'à lui faire dévorer sa propre chair; car plus il voit de biens et de prospérités dans celui qui est l'objet de son envie, plus est-il tourmenté au dedans de lui-même; en sorte qu'il se dessèche peu à peu, qu'il se détruit, et qu'il fond comme goutte à goutte par l'amertume de sa jalousie et la violence de sa passion. Et paulatim zelo et livore distillat.
