V. 12 jusqu'au 16.
« Il y a encore une autre maladie très fâcheuse que j'ai vue sous le soleil des richesses conservées avec soin pour être le tourment de celui qui les possède. Il les voit périr avec une extrême affliction. Il a mis au monde un fils qui sera réduit à la dernière pauvreté. Comme il est sorti nu du sein de sa mère, il y retournera de même, et n'emportera rien avec lui de son travail. C'est là vraiment une maladie bien digne de compassion. Il s'en retournera comme il est venu : de quoi lui sert donc d'avoir tant travaillé en vain? Tous les jours de sa vie il a mangé dans les ténèbres, dans un embarras de soins, dans la misère et dans les chagrins. » Ceci est la suite de ce que l'Ecclésiaste a déjà dit en parlant des riches, qui ne sauraient jouir de leurs propres biens, et qui encourent souvent de grands dangers à cause de leurs richesses. Il sont si malheureux que de n'avoir pas même la consolation de laisser à leurs enfants ce qu'ils ont amassé, parce que les uns et les autres sont enlevés de ce monde par la nécessité de la mort, et s'en retournent tout nus en terre comme ils étaient venus au monde, sortant du sein de leurs mères. Rien ne les accompagne en l'autre vie; ils y vont tout seuls et tout nus. Mais en vérité n'est-ce pas la plus mortelle des maladies, et la dernière des misères, que de se tourmenter si violemment par tant de peines d'esprit pour acquérir des richesses périssables, que nous ne saurions emporter avec nous en mourant, quoiqu'elles nous aient coûté beaucoup d'afflictions, de gémissements, de chagrins et de procès, et cent autres semblables travaux inutiles?
V. 17, etc. « J'ai donc cru qu'il est bon qu'un homme mange et boive, et qu'il se réjouisse dans le fruit qu'il retire de tout le travail qu'il endure sous le soleil pendant les jours que Dieu lui a donnés pour la durée de sa vie, et que c'est là son partage. Et quand Dieu a donné à un homme des richesses, du bien et le pouvoir d'en manger, de jouir de ce qu'il a eu en partage et de trouver sa joie dans son travail, cela même est un don de Dieu; car il se souviendra peu des jours de sa vie, parce que Dieu occupe son coeur de délices. » L'auteur de ce livre trouve fort heureux un homme qui sait faire usage du bien qu'il possède, en comparaison d'un avare qui mange à la dérobée et en cachette le peu qu'il prend pour se sustenter, et qui pendant toute sa vie s'accable de peine et de chagrin pour amasser des richesses périssables dont la mort le dépouillera bientôt ; car celui qui se sert de son bien en retire du moins quelque petit plaisir passager, au lieu que l'avaricieux n'en a d'autre avantage qu'un excès de peines et d'embarras. Et la raison qu'il donne lorsqu'il dit que c'est un bienfait de Dieu que de pouvoir jouir de son bien; c'est, ajoute-t-il, « parce qu'il se souviendra peu des jours de sa vie. » Cela veut dire que Dieu, par la joie qu'il lui permet d'avoir , le retire des occupations accablantes de l'avarice; et c'est ce qui fait qu'il ne vit pas dans la tristesse, qu'il n'est point déchiré de diverses pensées, et qu'il ne songe qu'aux divertissements dont il jouit actuellement. Mais il me paraît plus vraisemblable d'entendre ceci du manger et du boire spirituel dont parle l'Apôtre, de cette viande divine que Dieu donne à notre esprit et qui nous remplit le coeur de joie, en récompense des travaux qui nous occupent saintement dans ce monde; car il nous coûte toujours beaucoup d'application et de trayait de contempler les vérités éternelles de la foi et les solides biens de notre espérance. C'est donc là notre sort et notre partage, de pouvoir jouir du fruit de notre étude et de nos saintes méditations. Mais après tout, quelque avantage que nous trouvions en cela même, nous ne jouirons jamais parfaitement des biens célestes jusqu'à ce que Jésus-Christ, qui est notre vie, se manifeste à nous et nous rende participants de sa gloire.
