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Il est effectivement une autre idolâtrie plus coupable et plus avilissante; adorateur de ses vailles imaginations, l'homme rend des hommages religieux à tout ce que les coupables désirs de son orgueil inspirent à son esprit égaré, mais bientôt il n'adore plus rien, parce qu'il ne voit dans le culte des faux dieux qu'une ténébreuse superstition et un misérable esclavage. En vain cependant condamne-t-il cette erreur, il ne sait pas lui-même secouer le joug de la servitude, car il lui reste ces mêmes vices qui l'ont porté à leur rendre ses hommages. Il subit donc l'empire d'une triple concupiscence : l'orgueil, la volupté et la curiosité. Non, de tous ceux qui ne veulent rien adorer, vous n'en trouverez aucun qui ne se plonge dans les plaisirs de la chair, ou qui n'aspire à une vaine domination, ou qui ne soit sottement épris de quelque curiosité. Malheureux ignorants qui s'attachent aux frivolités pour y trouver leur bonheur !
Mais de gré ou de force, chacun s'attache nécessairement aux moyens où il veut trouver le bonheur. On court partout où on les voit, et l'on craint tout ce qui semble pouvoir les ravir. Or une faible étincelle, un chétif insecte, ne peuvent-ils pas à chaque instant les enlever ? Et sans signaler d'innombrables accidents, le temps lui-même ne détruit-il pas impitoyablement tous les biens périssables? Aussi comme ce monde les renferme tous, ceux qui par esprit d'indépendance se refusent à toute adoration, subissent l'esclavage de tout ce qui existe en ce monde.
