72.
Qu'y a-t-il donc encore qui ne puisse aider l'âme à se rappeler sa première beauté perdue, quand ses vices mêmes peuvent lui en fournir le moyen? Ainsi la sagesse divine atteint avec vigueur d'une extrémité à l'autre1; par elle le souverain architecte coordonne toutes ses oeuvres vers la beauté d'une même fin; dans sa miséricorde, il n'a été jaloux d'aucune des beautés qu'il pouvait créer à quelque degré que ce fût et en faisant que nul ne se pelisse séparer de la vérité même, sans en rencontrer quelques vestiges. Examine à quoi tiennent les plaisirs des sens , n'est-ce point à des rapports de convenance ? Car si l'opposition produit la douleur, la convenance engendre le plaisir. Sache donc où est l'accord parfait, mais ne va pas au dehors, cherche en toi-même; la vérité réside dans l'homme intérieur; et si ta nature te paraît trop inconstante, élève-toi plus haut. Mais souviens-toi que t'élever au-dessus de toi, c'est t'élever au-dessus de la raison. Monte donc jusqu'au foyer où s'allume le flambeau de cette raison. Où doit tendre en effet tout bols raisonnement, si ce n'est à la vérité? Car la vérité ne se découvre point à elle-même par le raisonnement, c'est à elle que le raisonnement conduit. Vois donc ici une convenance que tu ne pourras retrouver nulle part aussi parfaite , et demeures-y attaché. Sache reconnaître que tu n'es point ce qu'est cette vérité, car elle n'a point à se chercher; et c'est en la cherchant, non dans l'espace, mais par les désirs de ton âme, que tu as pu la trouver. Ainsi l'homme intérieur pourra s'unir à l'être mystérieux qui habite en lui, et trouver dans cette union non des plaisirs grossiers et charnels, mais la volupté spirituelle et suprême.
Sag. VIII, 1. ↩
