95.
Dans quelles frivolités, dans quelles turpitudes sommes-nous donc plongés ! On nous demande ce que l'on doit préférer du vrai ou du faux; nous répondons unanimement que le vrai est préférable; néanmoins les amusements et les vrais plaisirs, où jamais le vrai, toujours le faux nous séduit, attirent plus puissamment nos coeurs que les oracles de la vérité. Ainsi notre châtiment se trouve dans notre jugement et nos aveux, puisque notre raison condamne ce que poursuit notre vanité. Ce ne serait qu'un jeu, qu'un spectacle, si nous ne perdions pas de vue la réalité dont la représentation nous amuse. Mais cette passion nous entraîne loin du vrai, nous ne savons plus ce que figurent ces représentations auxquelles nous nous attachons comme à la beauté première, et en les quittant, nous sommes tout entiers dans les images qu'elles ont laissées en notre âme. Voulons-nous ensuite rentrer en nous pour nous livrer à la recherche de la vérité? Ces images se mettent en travers de notre route, nous ferment le passage, cherchent à nous dépouiller, non à force ouverte, mais par des embûches excessivement dangereuses, et nous ne comprenons pas le sens profond de ces paroles : « Défiez-vous des simulacres1. »
I Jean, 21. ↩
