CHAPITRE XVIII. L'HYLÉ DES ANCIENS N'ÉTAIT PAS UN MAL.
Cette matière que les anciens appelaient Hylé, ne doit pas être regardée comme un mal en soi. Je ne parle pas de ce je ne sais quoi, que Manès, dans son orgueilleuse démence, a appelé Hylé. Comme il lui attribuait la formation des corps, on a conclu qu'il en faisait un Dieu, car Dieu seul a le pouvoir de former et de créer les corps. En effet, pour qu'un corps existe, il doit présenter un mode, une forme, un ordre, trois caractères qui sont tout autant de biens réels, et qui ne peuvent avoir d'autre principe que Dieu, comme, sans doute, ils en conviennent eux-mêmes. Or, cette Hylé n'est qu'une matière informe et sans qualité, ce qui ne les empêche pas de croire que c'est d'elle que sont formées toutes les qualités que nous percevons dans les objets; une telle doctrine était déjà professée par les anciens. C'est, du reste, sous ce nom que les Grecs désignent la forêt, parce qu'elle fournit les matériaux aux constructions, quoique par elle-même elle soit incapable de faire quoi que ce soit. Même, cette Hylé ne doit donc pas être regardée comme un mal, quoique, loin de la percevoir par une forme extérieure déterminée, on puisse à peine s'en faire une idée par l'absence de toute forme. Il suffit qu'elle soit capable de recevoir telle forme que ce soit; or, si elle n'avait pas au moins cette capacité, on ne pourrait plus l'appeler matière. Si donc la forme est un bien comme la beauté, la capacité même de recevoir une forme doit également être un bien. La sagesse est un bien; c'est un bien aussi d'être capable de sagesse. Et puisque tout bien vient de Dieu, il faut rigoureusement conclure que cette matière grossière dont nous parlons, si elle existe, ne peut être que l'oeuvre de Dieu.
